Construction Durable – Ere bas carbone, comment mieux anticiper les émissions de CO2 de nos bâtiments ?
- Création : vendredi 6 mars 2020 11:22
- Écrit par Anaïs RIOU
A l’heure de la construction bas carbone, qui monte en puissance depuis la mise en place de l’expérimentation E+C-, nombreux projets ont pour ambition d’atteindre des objectifs précis de performance environnementale et par conséquent de réduire les émissions de gaz à effet de serre de leurs bâtiments.
La chasse au carbone est ouverte
Ces émissions de CO2, quantifiées lors de la réalisation d’études d’analyse de cycle de vie (ACV) en phase conception puis lors de la livraison du bâtiment constituent des livrables constamment remis en question d’un point de vue de la fiabilité de leurs conclusions. En effet, le cadre de l’expérimentation et les données utilisées pour réaliser les études sont encore mouvants et peuvent ne pas traduire avec exactitude les performances carbone des bâtiments.
Les premiers retours d’expérience des opérations visant une labellisation E+C- montrent que les engagements de performance pris dès le démarrage de la conception ne sont pas forcément tenus, notamment en raison des évolutions des projets non maitrisées et non chiffrées en temps voulu pour réaliser l’ACV. Se pose alors la question d’anticipation des émissions de CO2 et le besoin des équipes projet de connaitre précisément combien de tonnes de CO2 va émettre leur bâtiment, aussi bien sur le volet énergétique que sur le volet des matériaux.
Ces chiffres, annoncés de manière plus ou moins précise, ont un impact sur les choix architecturaux et techniques qui seront pris par la MOA et la MOE. Il est donc nécessaire d’anticiper les émissions de CO2 comme on réalise des études de consommation d’énergie, d’éclairement ou de confort d’été, et de positionner la performance carbone au même niveau que la performance énergétique ou économique. Car on estime que 70% des émissions carbone du bâtiment seront décidées dès la première phase du projet, alors pourquoi ne pas mieux anticiper ces éléments pour ne pas se retrouver piégé en fin de conception ?
Cette anticipation, nécessaire dès la phase d’esquisse, ne s’impose pas seulement aux projets ambitieux visant un niveau carbone 2 selon le label E+C-. Le niveau carbone 1 peut s’avérer délicat à atteindre dans certains cas de figure si de nombreuses contraintes se retournent contre le projet. Il convient alors de se demander comment il est possible d’anticiper ces émissions. Est-il cohérent aujourd’hui de se positionner de façon précise sur une performance environnementale en ne détenant seulement que certaines orientations du projet ?
Chez Vizea nous pensons qu’il est possible d’estimer de manière fiabilisée les émissions de CO2 et cela passe par plusieurs aspects clés qui ont été mis en place au sein de la société.
Développement d’un outil interne d’aide à la décision
Ce besoin de conseiller les maitrises d’ouvrage et maitrises d’œuvre sur les atteintes des performances visées et les moyens pour y arriver en termes de système constructif, béton traditionnel ou béton bas carbone, parking silo ou en sous-sol a mis en perspective le développement d’une compétence interne et d’un outil d’aide à la décision. Construit, sur des données paramétriques à renseigner et des données issues de retours d’expérience, cet outil permet d’établir dès la phase esquisse d’un projet un « profil carbone » d’un projet. Il est alors possible de positionner le projet selon des critères de performance carbone (par exemple par rapport aux seuils du label E+C) et de véritablement ouvrir la dimension carbone du projet au débat, au-même titre d’une autre performance. Car c’est cela que nous voulons voir émerger dans les prochains projets, une dynamique qui nous permettra de co-construire des bâtiments plus vertueux à tout point de vue.
Quels retours d’expérience pour cet outil ?
Notre démarche proactive au sein de Vizea nous a permis de construire cet outil et de s’en servir sur de multiples projets avec notre vision, nos connaissances et nos propres hypothèses.
Viennent alors les critiques objectives sur l’outil. Comment être sûrs que les résultats issus de l’outil sont fiables ? Peuvent-ils être comparés avec d’autres études de manière à construire ou déconstruire une étude ou un projet ?
C’est la réponse à laquelle nous avons récemment répondu en confrontant les estimations réalisées en amont des projets et les résultats issus des études menées sur la base de DPGF et CCTP. Et la comparaison des deux est intéressante.
Prenons ici l’exemple de la comparaison réalisée sur des projets de construction de logements collectifs. Les cinq projets identifiés par le graphique ci-dessous indiquent que la différence moyenne d’émissions de CO2 est de l’ordre de 7% entre une estimation en phase ESQ et une étude fine en phase DCE. L’erreur détectée est alors bien en deçà des tolérances que nous fixons dans nos études habituellement. Cette démarche de comparaison est appliquée systématiquement sur toutes nos opérations et vient confirmer notre niveau de confiance.
Nous pouvons donc à la fois estimer que les études de faisabilité carbone sont cohérentes avec la réalité des projets et que nous devons nous appuyer sur elles pour mieux concevoir nos bâtiments et pas seulement « éviter » ou « compenser » des émissions de CO2.
L’utilisation de cette démarche dès la phase concours d’un projet assure donc aux acteurs de :
- Visualiser les objectifs environnementaux visés plus concrètement, de manière chiffrée
- Considérer les optimisations architecturales à opérer
- Sélectionner des produits en cohérence avec le triptyque technique-économique-environnemental
D’autre part, ce recul pris sur les projets en comparant estimation et étude approfondie met en exergue les facteurs causant cette erreur détectée qui prennent forme dans des éléments techniques indissociables du projet architectural qui ne peuvent être détectés en amont de la conception détaillée.
Et le choix des FDES dans tout ça ?
Quand on parle de performance carbone, on parle finalement de FDES (fiche de déclaration environnementale et sanitaire) ou MDEGD (module de données environnementales génériques par défaut) qui caractérisent la masse carbone d’un matériau sur un cycle de vie et qui dicteront le calcul carbone du bâtiment. Ainsi, le choix d’une fiche ou d’une autre aura un impact sur les résultats de l’étude ou de l’estimation.
Mais après tout il est question de savoir mettre en cohérence les postes les plus impactant dans une nouvelle construction avec les grandes orientations décisives, puis optimiser certains choix architecturaux en fonction de FDES et non l’inverse.
Et si une association précise et réfléchie des FDES pour certains produits de construction est primordiale pour obtenir une estimation réaliste du projet en train de prendre forme, cela ne change fondamentalement pas l’impact carbone du bâtiment en lui-même, toute la subtilité de ces études réside finalement dans le bon choix de FDES à un instant t.
Un cycle se dessine avec les diverses phases et actions mises en place pour « prédire » les émissions des bâtiments allant du premier calcul annoncé jusqu’à la mise à jour constante de cet outil pour qu’il reste pertinent et cohérent avec les réglementations en cours et à venir.
Les études d’analyse de cycle de vie peuvent être remises en question et décortiquées mais elles restent le meilleur moyen d’impulser des dynamiques environnementales fortes sur de nombreuses opérations qui ont les moyens de changer les méthodes de conception et construction de nos bâtiments.
Au-delà du critère carbone des constructions, il est finalement important de savoir quels autres indicateurs environnementaux nous devrions considérer pour véritablement diminuer les impacts des constructions sur l’environnement qui nous entoure.L‘article suivant pose cette question et tente de présenter un système de réflexion globale qui nous permettra de passer d’une vision monocritère à multicritères : ici