L'analyse de cycle de vie : comment exploiter les résultats ?
- Création : lundi 30 septembre 2019 13:45
- Écrit par Cécile DELOFFRE
A l'ère du mono voire bi-critère, l'analyse en cycle de Vie (ACV) et ses multiples indicateurs sont presque relégués au second plan sur les projets. Les porteurs de projets comparent aujourd'hui des bâtiments sous l'angle de l'énergie et plus récemment du carbone, sans toujours se soucier des autres impacts tout aussi néfastes pour l'environnement et la santé humaine.
L'ACV répond à cet enjeu en permettant une analyse multicritère sur l’ensemble du cycle de vie.
Identifiant les impacts du berceau à la tombe, elle permet d’estimer les impacts environnementaux, les pollutions émises mais aussi l’utilisation des ressources.
Impacts environnementaux | Utilisation des ressources | Pollutions |
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Mais une fois les indicateurs quantifiés commence le casse-tête...
Que faire de ces multiples résultats avec des unités toutes différentes et pour la plupart peu accessibles ?
L'ACV est une question de comparaison et de compromis
Si pour le carbone les spécialistes sont arrivés à un niveau de maturité leur permettant d’identifier des valeurs de référence et ainsi d’estimer si le bâtiment est vertueux ou un peu moins, nous sommes loin de la même maîtrise pour les autres impacts ! Quelques données permettent de donner des ordres de grandeur mais rien d’officiellement acté comme le carbone.
Pour ces autres indicateurs, il est alors conseillé de réaliser une étude de sensibilité. Faute d’identifier si la valeur est haute ou non, cette approche par comparaison permet d’identifier les variantes les moins impactantes et ainsi réduire l’empreinte écologique du projet.
Toutefois aucun matériau n'est parfait ! Si une variante permettra de réduire l'impact sur certains indicateurs, d'autre seront très certainement augmentés.
Interpréter les résultats
Arrive donc régulièrement la question de hiérarchiser les indicateurs. A priori cela permettrait de se concentrer sur les impacts majeurs et de limiter les critères de décision, facilitant ainsi l’interprétation des résultats. Il est cependant délicat de choisir s'il vaut mieux polluer l'eau ou réduire le trou de la couche d'ozone.
C'est toutefois ce que propose la pondération en calculant une note globale, ce qui amène à une valeur unique. Certes utiles à première vue, cette approche perd dans les faits tout son sens. Cette solution basée sur des choix de valeur et non des bases scientifiques est donc controversée.
Une autre approche est la normalisation. L'objectif est de comparer les impacts du projet à des valeurs de référence pour vérifier leur cohérence et leur importance.
La normalisation externe a ainsi recours aux émissions de la zone géographique considérée comme valeurs de référence. Cela permet de mettre en exergue le poids du projet au regard des émissions nationales, européennes ou mondiales. Un certain nombre de scientifiques ont travaillé sur la quantification de ces émissions à différentes échelles. Un consensus n’est pas encore ressorti mais ces facteurs de normalisation sont d’ores et déjà intégrés à des méthodes de calcul (ReCiPe, Impact2002+,…). Ils ne couvrent toutefois pas tous les indicateurs communément utilisés en France sur les projets.
Pour revenir à une unité plus significative pour tout un chacun, ces valeurs de référence peuvent être rapportées à des équivalents personnes. Nous pouvons par exemple identifier qu'un bâtiment représente 340 équivalents habitants pour les émissions carbones et 11 équivalents habitants pour la destruction de la couche d’ozone.
L'information devient alors accessibles à tous et permet de partager les résultats entre les spécialistes et les néophytes !
Sur l’exemple ci-dessous, bâtiment d’environ 200 habitants, on s’aperçoit ainsi que l’eutrophisation et la production de déchets semblent particulièrement élevées. Nos retours d’expérience sur un panel de bâtiments collectifs viennent aider à interpréter ces deux points.
L’eutrophisation est supérieure à nos retours d’expérience et apparaît comme un réel enjeu sur ce projet. Cet indicateur est pour ce cas porté en grande partie par la nature des revêtements de sol. C’est donc sur ce lot qu’il va falloir agir pour optimiser le bâtiment.
Quant aux déchets, ils proviennent principalement de la structure et de l’infrastructure. La production reste inférieure à nos retours d’expérience, ce qui s’explique en partie par la présence d’un seul niveau de sous-sol et de peu de balcons sur ce projet. La production de déchets reste toutefois un enjeu dans le secteur du bâtiment sur lequel il faut travailler.
L’approche par normalisation offre un vrai potentiel pour aider à la lecture des ACV et rentrer dans l’ère du multicritère !