Panorama de la biodiversité francilienne par l’Agence Régionale de la Biodiversité et ses partenaires
- Création : vendredi 12 juillet 2019 15:28
- Écrit par Emily DEYDIER
L’agence régionale de la biodiversité (ARB), l’Institut Paris région et la région Ile-de-France (IDF) nous livraient en juin 2019 un « Panorama de la biodiversité francilienne ». En voici les informations à retenir.
La prise en compte de la biodiversité dans l’activité humaine est récente. Contrairement à la météo ou aux émissions de carbone, nous ne disposons pas à l’heure actuelle d’outils pour mesurer spécifiquement l’évolution de la biodiversité, notamment car les différentes dynamiques en jeux sont complexes. Nous parvenons tout de même aujourd’hui à recenser les espèces et leurs populations, leur évolution dans le temps, et les interactions qui existent entre celles-ci. Nous verrons par la suite que la part d’espèces menacées croît considérablement. Celles-ci sont par ailleurs recensées (par groupes) dans les « listes rouges régionales », en fonction du niveau de menace qui pèse sur elles, et de ses causes. Par ailleurs, en IDF, les espèces menacées ou éteintes sont proportionnellement plus nombreuses que dans d’autres régions, dû à la pression de la métropole sur les milieux naturels.
Les connaissances, mais aussi les impacts de l’activité humaine varient d’un milieu à l’autre, et d’une espèce à l’autre. Par exemple, il y a une meilleure connaissance des oiseaux, des plantes et des grands insectes, que des crustacés, des champignons ou des vers de terre. De même, les milieux à forts enjeux de conservation tels que les forêts sont mieux connus que les milieux urbains. Les résultats selon les groupes d’espèces recensés sur les listes rouges sont alarmants : 25% à 40% des espèces sont menacées. Les plus menacées étant les espèces issues des terres agricoles et des zones humides. Un tiers des espèces de flore sont menacées et les principales causes de cette menace sont la destruction, la dégradation et la simplification des habitats. Viennent s’ajouter à ces pressions les conséquences néfastes du dérèglement climatique.
Le constat actuel en IDF est paradoxal : la surface des espaces naturels augmente, mais la diversité des espèces qui les composent diminue. Les grands responsables de ce phénomène sont l’agriculture et l’urbanisation croissantes. Ce manque de diversité est accentué par une chute de biodiversité. Celle-ci est souvent synonyme non pas toujours d’extinction des espèces, mais plutôt de déclin de leurs populations (jusqu’à 90% dans certains cas). Les espèces dont la population est en déclin sont par ailleurs souvent remplacées par des espèces plus résistantes, pas forcément locales (souvent des espèces annuelles et adaptables – dites généralistes – et des espèces ne dépendant pas des insectes pour leur pollinisation ni trop sensibles aux températures élevées). Ces dernières exercent une pression supplémentaire sur le milieu et induisent une forte concurrence entre les espèces. Pour illustrer cela, l’ARB montre qu’il existe seulement 88% de similitude entre la flore actuelle et celle de 1930. Le schéma ci-dessous illustre l’enjeu de ce cercle vicieux du déclin de la biodiversité sur le territoire.
Comme énoncé précédemment, on distingue différents milieux, pour lesquels les impacts sont variables.
Premièrement, il y a le milieu urbain, qui est par définition peu propice au développement de la faune et de la flore. C’est pourquoi la nature en ville est un enjeu important, d’autant plus pour la région IDF, qui est la région la plus artificialisée de France (22% du territoire est urbain). De la même façon qu’à l’échelle de la région, la nature est présente en ville, mais les espèces y sont peu diversifiées. Nous vivons malheureusement dans une société standardisée, à laquelle même la biodiversité n’échappe pas. Les espèces standardisées représentent en effet 20% de la flore en IDF – pourcentage qui peut aller jusqu’à 60% dans certaines zones (voir ci-dessus les caractéristiques des espèces standardisées). La nature en ville peut par ailleurs prendre différentes formes, et par conséquent avoir une efficacité variable en termes de biodiversité. En effet, les placettes présentent une richesse biologique très faible comparée aux friches urbaines par exemple, qui présentent, avec les parcs, les valeurs écologiques les plus fortes. Or, il a été constaté une diminution de moitié de la surface des friches en 30 ans.
D’autres milieux à enjeux de biodiversité sont les milieux agricoles. En effet, ceux-ci représentent 50% du territoire, bien que cette part diminue face à l’urbanisation croissante. La clé à un milieu agricole hospitalier pour les espèces de faune et de flore est la présence de haies. En effet, celles-ci permettent d’héberger des espèces sauvages et de limiter le recours aux pesticides en favorisant la présence d’insectes auxiliaires. Or, les terres agricoles actuelles tendent à voir disparaître leurs haies. Ce manque de haies traduit la monotonie du paysage agricole, dans lequel manquent également les arbres isolés, les mares, les rigoles, les prairies. Le type de culture assombrie également le paysage de notre région, car la très faible diversité des cultures (principalement de blé, d’orge et de colza) contribue fortement au déclin de la biodiversité. Malgré ces constats alarmants, le recours aux pesticides a augmenté de 28% entre 2009 et 2015 (source : Driaaf 2017, bilan du plan Écophyto), aggravant et accélérant la perte de biodiversité. Bien qu’il soit aujourd’hui prouvé que les mesures environnementales en agriculture bénéficient aux espèces sauvages mais aussi aux cultures, elles sont encore marginales : l’agriculture biologique ne représentait que 2.7% de la surface agricole utile de la région en 2017 (source : GAB Île-de-France : https://www.bioiledefrance.fr). Afin d’atteindre les objectifs fixés par le « pacte agricole de la région Ile-de-France », le rythme de conversion doit être triplé jusqu’en 2022.
Le principal réservoir de biodiversité de la région est la forêt. Malgré le fait que celle-ci représente une surface moindre en IDF (24% contre 31% à l’échelle nationale), elle renferme 66% des réservoirs de biodiversité. La préservation de celle-ci répond donc ç un enjeu majeur d’autant plus qu’une menace croissante pèse sur ce milieu à savoir sa fragmentation par des axes de transport très denses dans la région. Une piste de correction, la continuité écologique a été mise en place avec la Trame Verte et Bleue.
Les milieux aquatiques et humides représentent également un grand enjeu de restauration. En effet, la perte de ces milieux est estimée à 50% en IDF. Une restauration de ces zones est toutefois entamée, grâce notamment à l’efficacité de la loi sur l’eau et des financements apportés par l’Agence de l’eau permettant la restructuration de milieux aquatiques.
Force est de constater que le lien entre l’extinction des espèces et l’aménagement est étroit. Environ 200 espèces sont protégées en France mais des dérogations vis-à-vis de leur protection sont fréquemment accordées au profit de projets d’aménagement. Alors, comment protéger efficacement l’ensemble des espèces ? Nous avons vu précédemment qu’il existe des outils adaptés tels que les lois, mais aussi la création de réserves naturelles régionales ou nationales et d’autres surfaces protégées et/ou contrôlées. Toutefois, ces mesures sont encore trop peu nombreuses et les surfaces trop faibles pour inverser les tendances actuelles. Il faut donc poursuivre la bonne dynamique de retranscrire ces enjeux dans les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU), continuer à protéger les milieux humides et accélérer la protection des milieux terrestres. Il s’agit également de rendre les trames vertes et bleues prescriptives dans les SRCE (schémas régionaux de cohérence écologique) et d’enfin atteindre les objectifs d’absence de perte nette de biodiversité dans les projets issus de la loi pour la reconquête de la biodiversité (2016). Les études d’impacts doivent également appliquer l’ERC (éviter-réduire-compenser) à la biodiversité dans son ensemble, et non seulement aux espèces protégées. Ainsi, grâce à des prises de décisions plus fortes dans l’aménagement du territoire, nous pourrons protéger et restaurer efficacement les habitats et les espèces qu’ils abritent, afin de recréer une symbiose au sein de la région IDF.
Téléchargez le rapport complet : http://arb-idf.fr/publication/panorama-de-la-biodiversite-francilienne-2019