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La prise en compte progressive de l’impact de la pollution lumineuse dans les politiques publiques

Le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) a rendu public, le 18 janvier 2019, un rapport consacré à la pollution lumineuse, commandé par l’ancien ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot. La parution de ce rapport s’articule avec la publication de deux arrêtés destinés à lutter contre la pollution lumineuse au Journal officiel du 28 décembre 2018.

La réglementation actuelle de la pollution lumineuse repose sur les lois du 12 juillet 2010 "Grenelle 2", du 17 août 2015 sur la transition écologique pour la croissance verte et d’août 2016 sur la reconquête de la biodiversité.

Plus de huit ans après son vote, la loi de 2010 contre la pollution lumineuse est maintenant traduite par deux arrêtés. Ces arrêtés font suite à un recours devant le Conseil d’État, déposés par plusieurs ONG dont l’Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’environnement nocturne(ANPCEN). Son combat contre la pollution lumineuse avait commencé à porter ses fruits en 2012 et 2013 avec la prise de deux arrêtés pour limiter les publicités et les enseignes, puis l'éclairage intérieur des bureaux et des vitrines.

Les nouveaux arrêtés prévoient notamment une nouvelle plage horaire pour l’extinction des lumières et de nouvelles normes techniques.

Extinction nocturne des lumières éclairant le patrimoine et les parcs et jardins accessibles au public

Plus précisément, le premier arrêté concerne les lumières éclairant le patrimoine et les parcs et jardins accessibles au public, qui devront être éteintes au plus tard à 1 heure du matin ou une heure après la fermeture du site. Par ailleurs, « les parkings desservant un lieu ou une zone d’activité devront être éteints deux heures après la fin de l’activité, contre une heure pour les éclairages de chantiers en extérieur ».

Cet arrêté fixe également des mesures techniques concernant l’orientation des éclairages, ou encore des normes en lumen/m2 et en kelvin (couleur de la lumière). « L’objectif est de réduire l’intensité lumineuse des luminaires en alliant sécurité et visibilité des personnes et limitation des impacts sur la biodiversité », précise le ministère de la transition écologique et solidaire sur son site.

Tous les luminaires installés après le 1er janvier 2020 devront être conformes à l’ensemble de ces dispositions. « Pour les luminaires existants, l’entrée en vigueur varie selon la disposition et le type de luminaire », est-il indiqué.

Par ailleurs, l’arrêté prévoit que « chaque gestionnaire d’un parc de luminaires devra avoir en sa possession un certain nombre d’éléments permettant de vérifier la conformité des installations d’éclairage », ajoute le ministère.

Il est cependant regrettable de ne voir aucune mesure spécifique concernant l’éclairage public hors parcs et jardins. Le projet d'arrêté mis en consultation à l'automne prévoyait de réguler l'éclairage des réverbères mais cet élément a disparu.

Protection des sites d'observation astronomique

Le second arrêté publié en parallèle établit une liste de onze sites d’observation astronomique qui devront être protégés de la lumière nocturne dans un rayon de 10 kilomètres.

 

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La voie lactée photographiée depuis l’Antarctique – Source : Alexander Kumar

 

Ces mesures s’appliqueront dès le 1er janvier 2021.

Un rapport qui complète les arrétés

En appui à ces deux arrêtés, le rapport publié par le CGEDD, le 18 janvier 2019, indique que la politique aujourd’hui mise en œuvre privilégie pour l’essentiel l’angle des économies d’énergie liées à la rénovation de l’éclairage public et ne prend pas assez compte les enjeux de biodiversité ou de santé humaine.

La mission souligne également le défaut de planification partagée entre pollution lumineuse et publicité lumineuse. Le rapport préconise les mesures suivantes:

  • sensibiliser les publics aux enjeux de la pollution lumineuse par la formation, l’information (évolution de l’étiquetage) et par l’association des citoyens aux décisions d’investissement et de gestion
  • mettre en place un plan d’action “Lumière”, décliné à différentes échelles et par type d’acteurs, où les zones les moins urbanisées disposeraient d’une protection plus étendue ;
  • réaliser une cartographie nationale de l’éclairage associée à un inventaire géolocalisé du parc d’éclairage public
  • faire de la normalisation technique le vecteur privilégié de diffusion de la prévention de la pollution lumineuse auprès des professionnels. La pollution lumineuse pourrait ainsi être intégrée dans les documents de planification comme le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) ou le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI).

Parmi diverses actions prioritaires figurent le remplacement des luminaires et ampoules les plus néfastes, l’extinction nocturne ou la sobriété de l’éclairage des sites commerciaux et industriels.

Pourquoi c'est important ?

L’éclairage artificiel est un phénomène complexe et global. Il favorise l’activité humaine, privée comme publique, dans des domaines très divers (économiques, culturels ou sécuritaires). Les questionnements sur les effets non souhaitables de l’éclairement ne sont apparus que progressivement, d’où une faible prise en compte par la puissance publique.

Chez l’homme, la pollution lumineuse est suspectée de dérégler l’horloge biologique, d’altérer le système hormonal, qui a besoin de 5 à 6 heures d’obscurité pour bien fonctionner, et la sécrétion de mélatonine, hormone qui affecte le sommeil, la reproduction, le vieillissement… En outre, selon certains chercheurs, produire moins de mélatonine peut être un facteur aggravant de cancer.

L’éclairage a également des conséquences importantes sur la biodiversité. En perturbant le rythme circadien basé sur l'alternance jour/nuit, la présence de lumière artificielle « peut modifier l'organisation temporelle de l'ensemble des phénomènes physiologiques, contribuant à une désynchronisation interne [et] à une altération de la santé physique et mentale », selon une étude menée par l'ANPCEN.

Le gouvernement avait inscrit la lutte contre la pollution lumineuse à son agenda de 2018 en intégrant des mesures dans le cadre du Plan pour la Biodiversité par au mois de juillet avec notamment l’ambition de limiter ses impacts sur de « nombreuses espèces d’insectes, d’oiseaux et de chiroptères ».

Avec un total de 11 millions de points lumineux en France, la quantité de lumière émise par le seul éclairage public a crû de 94 % en 20 ans selon l’ANPCEN.

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