La RE2020, c’est pour demain !
- Création : lundi 21 décembre 2020 09:00
- Écrit par Marc SUTEAU
La RE2020 se précise et son application débutera dès l’été 2021 pour les nouvelles constructions à usage de logements, de bureaux ou à usage scolaire. C’est ce qu’ont annoncé Madame Barbara Pompili, Ministre de Transition Ecologique, et Madame Emmanuelle Wargon, Ministre déléguée auprès de la Ministre de la Transition Ecologique lors de la conférence de presse du 24 novembre 2020. Les premiers niveaux réglementaires ont également été dévoilés lors de cette intervention, avec notamment un indicateur BBIO maximum abaissé de 30% par rapport au niveau réglementaire de la RT2012.
L’objectif est clair : réduire drastiquement les besoins (chauffage, climatisation, éclairage) des bâtiments avant d’optimiser les systèmes, et ce tout en maîtrisant l’impact carbone des produits de construction et des énergies utilisées. La conception bioclimatique, encouragée par la RT2012 devient maintenant indispensable afin de respecter les niveaux d’exigence fixés par cette nouvelle réglementation environnementale, qui traduisent les enjeux climatiques actuels et futurs.
Annoncée depuis plusieurs années maintenant, la méthode RE2020 se concrétise, mais revenons un peu sur ses spécificités.
EVOLUTION DE LA RT2012 VERS LA RE2020, NOUVEAUX INDICATEURS
La RE2020 s’est en grande partie construite à partir de la RT2012 et de l’expérimentation E+C-. Si les grands principes de chacune des deux méthodes ont été repris, on observe tout de même des changements majeurs.
La caractérisation du confort d’été se voit elle complétement reformée, avec la suppression de l’indicateur de Température Intérieure de Confort de la RT2012 et la création d’un indicateur Degrés-Heures calculé par simulation thermique dynamique.
La méthode de calcul des consommations en énergie primaire change également avec l’ajout des consommations immobilières, les consommations fictives de froid et la limitation de la part d’énergie non renouvelable.
Enfin, la RE2020 impose une démarche bas carbone dans le choix des matériaux et l’approvisionnement énergétique.
Rentrons un peu plus dans le détail de chacun des indicateurs de la RE2020.
LA PERFORMANCE ENERGETIQUE CARACTERISEE PAR 3 INDICATEURS
Le premier indicateur concerne l’enveloppe et la conception du bâtiment. Il s’agit des besoins bioclimatiques du bâtiment ou « BBIO », similaire à celui de la RT2012. Comme énoncé en introduction, l’exigence réglementaire BBIO s’est cependant considérablement affermie pour imposer la sobriété énergétique comme base aux nouvelles constructions. La meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas.
Le second indicateur, également repris de la RT2012, calcule les Consommations d’Energie Primaire (Cep) pour les postes chauffage, ventilation, climatisation, éclairage et eau chaude sanitaire. On notera tout de même la prise en compte des consommations immobilières dans le calcul du Cep en RE2020, ainsi qu’une évolution des scénarios d’occupation (occupation en août notamment).
De plus, la production locale d’électricité exportée n’est plus valorisée dans le calcul Cep. Seule la part autoconsommée est prise en compte dans cet indicateur de performance énergétique. Autre changement majeur, il s’agit de la redéfinition à 2,3 (anciennement 2,56) du facteur de conversion énergie finale / énergie primaire de l’électricité utilisée pour le chauffage.
Enfin, la RE2020 propose un nouvel indicateur de performance énergétique : le Cep non renouvelable, qui correspond à la part d’énergie primaire consommée d’origine non renouvelable. Ce nouvel indicateur a notamment pour but d’éviter la mise en œuvre de chauffage électrique par effet joule et de limiter les solutions tout gaz afin de s’orienter vers des solutions plus vertueuses type géothermie, biomasse, réseau de chaleur…
LES DEGRES-HEURES COMME INDICATEUR DE CONFORT D’ETE
En remplacement de la Température Intérieure de Confort (RT2012) qui ne permettait pas de caractériser à elle seule le confort estival des constructions, la RE2020 apporte les degrés-heures (DH).
Cet indicateur, calculé par simulation thermique dynamique, correspond à la somme de l’écart entre la température ressentie dans les espaces et la température de confort, à chaque pas de temps horaire. Le fichier météo utilisé pour cette simulation est similaire à la canicule de 2003. Deux seuils sont définis :
- Un seuil haut à 1250 DH : il s’agit du seuil réglementaire à ne pas dépasser pour être conforme à la RE2020 ;
- Un seuil bas à 350 DH : au-dessus de ce seuil, il est considéré que le bâtiment pourra vraisemblablement avoir recours à un système de climatisation à postériori. A ce titre, un système de climatisation fictif est alors pris en compte dans le calcul du Cep duquel découle des consommations de froids.
MAITRISE DES EMISSIONS DE GAZ A EFFET DE SERRE
Déjà bien amenée par l’expérimentation E+C-, la RE2020 impose une Analyse de Cycle de Vie pour les nouvelles constructions et réglemente les émissions de carbone équivalent pour les produits de construction et l’énergie consommée.
Si les seuils d’émission ne sont pas tous encore connus, il est prévu que la réglementation s’affermisse au fil des ans :
- Pour les produits de construction, il est visé une réduction des émissions équivalentes de CO2 de 30 à 40% par rapport au seuil qui sera applicable en 2021 ;
- Pour les énergies, les seuils d’émission seront également affermis, pour réduire puis exclure l’usage des énergies fossiles comme source d’approvisionnement énergétique principale. Pour les logements individuels, le seuil est fixé à 4 kgCO2/m².an excluant les solutions gaz. Pour les logements collectifs, si le seuil de 14 kgCO2/m².an fixé en 2021 permettra toujours l’emploi du gaz, son abaissement à 6 kgCO2/m².an prévu en 2024 devrait également exclure les solutions principales à base de gaz.
Au-delà des seuils d’exigence propres à la RE2020, la nouvelle réglementation environnementale présente quelques différences notables par rapport à l’expérimentation E+C- sur le volet carbone :
- La surface de référence prise en compte est la SHAB (logements) ou SU (autres usages) et non plus la SDP ;
- Les contributeurs réglementés seront les émissions liées aux produits de construction et à la consommation d’énergie, et ce de façon indépendante. L’indicateur d’émission globale sera donné à titre indicatif ;
- Les contributeurs eau, chantier et parcelle (voiries, clôtures, portail…) ne seront à priori pas réglementés mais seront donnés à titre indicatif ;
- L’étude ACV sera basée sur un modèle dynamique favorisant les matériaux stockant le carbone ou autrement dit les matériaux biosourcés (laine de bois, chanvre, bois…).
Le ratio d’émission carbone pour l’électricité consommée pour le chauffage est par ailleurs largement diminué : défini à 210 gCO2/kWh dans l’expérimentation E+C-, le ratio pris en compte dans la RE2020 tombe à 79 gCO2/kWh. Cette transformation majeure provient du changement de la méthode du calcul. L’ADEME indique dans sa note technique que la méthode historique dite « saisonnalisée » aboutissait à un facteur d’émission du chauffage environ trois fois plus important que le contenu moyen. L’ADEME précise également que cette méthode est devenue obsolète au regard de l’évolution du mix énergétique français, car conduisait à considérer l’usage chauffage comme 100% saisonnalisé. La nouvelle méthode dite « mensualisée par usage » est plus simple, plus parlante et reflète l’aspect saisonnalisé du chauffage de façon plus juste.
Si au premier abord ce nouveau ratio pourrait provoquer une recrudescence des systèmes de chauffage à effet Joule, le ministère de la Transition Ecologique précise bien que l’indicateur de performance énergétique sur la part d’énergie non renouvelable consommée a bien vocation à limiter voire proscrire ce système de chauffage. Ce système, très consommateur et en particulier lors des pics de consommation de chauffage en hiver, conduirait à des émissions de carbone qui seraient bien supérieures aux émissions définies par le précédent ratio s’il venait à se généraliser.
ALLER PLUS LOIN, PLUS VITE…
Lors de la conférence de presse, il a également été annoncé la création d’un label d’état permettant de valoriser et récompenser les bâtiments qui atteindront les exigences des étapes suivantes de la RE2020. Ce label sera un signe d’exemplarité et pourra être accompagné d’incitations fiscales ou réglementaires comme indiqué dans le dossier de presse. Sa publication est prévue pour le deuxième semestre 2021.
La création de ce nouveau label d’état nous conduit également à nous interroger sur l’avenir des labels existants tels que Effinergie+, E+C-…
EST-CE BIEN SUFFISANT ? LE MOT DE VIZEA
Si les seuils d’exigence déjà communiqués montrent une réelle progression par rapport à la RT2012, ils semblent tout de même bien insuffisants pour endiguer le réchauffement climatique. Cela s’explique notamment par la volonté du gouvernement de ne pas créer de rupture afin de ne pas mettre en difficulté les filières de construction et de maîtriser le coût de l’immobilier. De plus, les seuils d’exigence de la RE2020 ne sont pas figés, mais ont vocation à être évolutifs pour affermir les niveaux d’exigence progressivement sur les prochaines années. Souvenons nous que de dérogations en dérogations, la RT 2012 ne s'est jamais vraiment appliqué comme l'évoquait cet article.
Par ailleurs, la rénovation n’a été que très peu abordée lors de la conférence de presse. La Ministre Madame Pompili indique qu’il n’est pas prévu à court terme une application de la RE2020 pour les opérations de rénovation. Le parc immobilier sera cependant prépondérant sur le parc immobilier futur pour un bon nombre d’années encore, et nécessite la mise en place d’une réglementation plus stricte pour ces opérations.