L'exploitation des forêts françaises face aux enjeux du monde de la construction
- Création : 19 avril 2021
- Écrit par Florent SKAWINSKI
Depuis quelques années, le bois, ce matériau renouvelable doté de bonnes propriétés mécaniques, est de plus en plus représenté dans le monde de la construction : structures en lamellé collé, chaudières biomasses, isolation en laine de bois, parquet, mobiliers, fenêtres… Autant de secteurs qui prennent une part importante dans l’industrie du bois. A la racine de cette industrie, nous retrouvons les arbres et donc les forêts.
A quoi servent les forêts ?
Climatiseurs naturels, les forêts absorbent le dioxyde de carbone, émettent de l’oxygène, abritent une grande partie de la biodiversité terrestre, favorisent l’évapotranspiration, régulent les pluies, nourrissent et stabilisent les sols… Bref beaucoup de fonctions essentielles à une planète vivable.
La question se pose alors, l’industrie du bois est-elle compatible avec le respect de la biodiversité ?
Les problèmes de la filière bois française
Avant de répondre à cette question, il y a d’abord un constat. En France, 50 % des forêts sont des monocultures et 33 % sont des peuplements de 2 essences.
Diversité des peuplements forestiers, IGN
Les parcelles forestières décrites ci-dessus ne sont donc pas des « forêts », mais des plantations d’arbres, semblables à une plantation de maïs ou de blé, dont la biodiversité est appauvrie. En effet, ce sont des lieux totalement aseptisés où une unique essence d’arbre est reine, sans insectes ni diversité, sans faune ni flore, bref, où toute la chaine de la biodiversité manque à l’appel.
Les mêmes pratiques de gestion que l’agriculture y sont d’ailleurs appliquées : traitements phytosanitaires pour protéger et stimuler ces peuplements non résilients (pesticides, engrais) et récoltes intensives. Cette récolte qui a lieu environ tous les 25 à 40 ans est appelée coupe rase. Les arbres sont coupés dans leur intégralité et les souches retirées. Les sols sont donc mis à nu entraînant leur lixiviation. Le faible écosystème présent est détruit et le paysage est transformé.
Ainsi, non seulement une exploitation forestière intensive remplit peu voire pas les nombreux rôles d’une forêt, mais en plus elle détruit l’environnement local.
Exemples de monoculture « aseptisée »
Le constat est clair, les forêts françaises ont été industrialisées pour répondre à la demande de plus en plus importante de la filière bois, industrialisée elle aussi. Et c’est là que réside le principal problème. La filière bois française s’est basée depuis une cinquantaine d’années sur les modèles nordiques. Les scieries ont été calibrées pour la découpe de résineux d’environs 40 cm de diamètre. Or, a contrario des pays scandinaves qui eux ont une grande majorité de résineux, deux tiers des essences françaises sont des feuillus. La forêt a donc été adaptée à l’industrie.
C’est pourquoi, aujourd’hui, les chênes centenaires français ont 2 débouchés principaux :
- être envoyés en Chine pour leur transformation
- être broyés pour alimenter la filière bois énergie
Il est donc urgent de réadapter les systèmes de transformation du bois en France en prônant l’échelle locale des scieries. Mais il est aussi crucial de réapprendre à gérer nos forêts durablement car elles sont l’un de nos meilleurs alliés face au changement climatique, pour toutes les raisons citées préalablement. De plus, la filière bois jouera un rôle majeur dans les choix sylvicoles de demain.
Que valent les labels ?
Actuellement, deux labels font foi dans la filière bois : FSC et PEFC.
Créé en 1999 par l’industrie du bois, le label PEFC est aujourd’hui très largement représenté en France, en Europe et même dans le monde. D’après leur communication, ce label doit « promouvoir une gestion durable des forêts ». Dans les faits[1], les contrôles et les « règles de gestion forestière durable » imposés aux propriétaires manquent de cohérence. Les coupes rases n’y sont absolument pas interdites. Il suffit de compléter le formulaire d’inscription et de payer une cotisation pour voir sa production de bois estampillée du label PEFC sans contrôle systématique. Encore aujourd’hui, de nombreux propriétaires certifiés n’ont jamais été audités par un organisme indépendant.
Le label FSC quant à lui interdit les coupes rases, exceptées sur les surfaces infèrieures à 10 hectares ou à 25 hectares en région Landes de Gascogne. Cette fenêtre est bien assez grande pour adopter une sylviculture destructrice de son milieu.
Alors que tant d’acteurs cherchent à améliorer la situation en demandant ces labels, ces derniers ne répondent pas nécessairement à l’ambition projetée. L’un parce qu’il communique les mots « gestion durable » sur des pratiques destructrices de l’environnement. L’autre parce qu’il permet, en usant et abusant du seuil de 10 ha, à des exploitations de pratiquer des coupes rases. Pire, ces labels pérennisent la pratique industrielle sylvicole en donnant une illusion de durabilité qui rassure le grand public et apaise ceux qui veulent ne pas savoir.
Est-il possible de gérer nos forêts durablement tout en répondant aux exigences de la filière ?
Il est tout à fait possible de mêler production de bois et respect de l’environnement. Il faut simplement que des critères autres que la finance entrent en considération.
On peut citer l’exemple de la sylviculture irrégulière. Les arbres sont récoltés progressivement en s’assurant un couvert forestier cohérent en permanence. Toutes les tailles et les essences d’arbres locales sont présentes et se régénèrent naturellement, entraînant un écosystème fonctionnel avec une intégrité et une résilience forte face aux catastrophes. Cette gestion s’accompagne de collaborations avec des entreprises locales (bucheronnage et débardage utilisant des machines légères, scieries, sociétés de transformations et de distribution).
Des groupements forestiers et des initiatives citoyennes se créent afin de rendre cette industrie locale et raisonnée, possible.
En conclusion, il est possible, de parvenir à des solutions qui permettent de trouver un équilibre entre la conservation de la biodiversité forestière et l’utilisation durable des forêts. Les effets des activités anthropiques sur la biodiversité ne sont pas tous à déplorer, comme le montrent de nombreux exemples concrets d’initiatives couronnées de succès en matière de gestion, conservation, restauration et utilisation durable de la biodiversité forestière.
A l’heure où la future réglementation thermique (RE 2020) presse à juste titre toute la filière de la construction à favoriser le matériau bois, il est indispensable que le gouvernement donne un signal fort (réglementation, label fiable …) en faveur d’une sylviculture au profit de la forêt, de sa biodiversité et des bienfaits que nous lui prêtons tous. C’est d’ailleurs l’objet de la proposition SL3.4 de la convention citoyenne qui est actuellement débattue à l’Assemblée nationale.
Enfin comme dans tout marché, le consommateur final joue un rôle essentiel. Au même titre qu’il est possible de connaître la provenance, la variété et le caractère biologique des légumes que l’on achète, il devrait être possible de connaître la provenance, l’âge et le mode de gestion de l’arbre qui a servi à fabriquer nos menuiseries.
Se poser ces questions en tant que consommateur, c’est déjà en partie aider nos sociétés modernes à ré-enchanter nos forêts.
[1] Règles de la gestion forestière durable en France Métropolitaine (PEFC)
Une électricité française décarbonée et favorable au chauffage électrique, qu’en est-il vraiment ?
- Création : 22 mars 2021
- Écrit par Marc SUTEAU
Eté 2020, l’ADEME communique sur le nouveau contenu CO2 de l’électricité en France pour le chauffage électrique. La note diffusée par l’ADEME affiche un contenu carbone de 79 gCO2/kWh, contre un ratio de 210 gCO2/kWh tel que pris en compte actuellement pour l’expérimentation E+C-. Pourtant, même si la France se dirige vers les énergies renouvelables, l’énergie nucléaire était et reste aujourd’hui la source de production principale du réseau français. Alors comment expliquer une telle réduction du contenu carbone de l’électricité pour le chauffage électrique ? Quelles en sont les conséquences ?
Quelques rappels sur le mix électrique français et son contenu carbone
Le gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité (RTE) met à disposition un grand nombre d’information concernant la production et la consommation d’électricité en France. Le bilan de l’année 2020 affiche notamment le mix électrique réel de l’année passée.
Répartition de la production d’électricité par filière en France en 2020 (source : RTE)
En parallèle, l’ADEME propose un outil, la Base Carbone qui informe sur le contenu CO2 produit par chaque filière de production. Connaissant ainsi le contenu carbone des différentes filières de production ainsi que la production réelle pour chaque filière, il est alors possible d’établir le bilan carbone annuel de façon précise.
Source : Base Carbone ADEME (2013)
Cependant, ces bilans annuels ne permettent pas d’établir directement des contenus carbone de l’électricité par usage (chauffage, ECS, éclairage…), et donc de projeter les émissions carbone d’une nouvelle construction. Cela s’explique notamment par le fait que le mix énergétique -et donc le contenu carbone de l’électricité- est en constante évolution, au cours d’une année, d’un mois mais également au cours d’une même journée pour répondre à la demande réelle d’électricité.
Cette variation du mix électrique est liée à la variation de la demande qui apparaît au cours des journées, comme le montre le graphique ci-dessous :
Source : RTE
Ces pics de demande ne peuvent être assurés complétement par le nucléaire ou les énergies renouvelables. Ce sont alors les filières thermiques (gaz, fioul, charbon) très émettrices qui vont répondre à ce « surplus » de la demande, ce qui conduit à un contenu carbone de l’électricité beaucoup plus important lors de ces périodes.
Toute la problématique est alors de pouvoir établir une valeur « moyenne » du contenu carbone de l’électricité, et plus particulièrement de l’électricité destinée au chauffage afin de pouvoir comparer les différentes solutions d’approvisionnement et leur impact environnemental de la manière la plus juste possible.
Plusieurs méthodes existent à ce jour, basées sur différents modèles mathématiques. Voici en détail les deux principales méthodes utilisées.
La méthode historique saisonnalisée par usage
Cette méthode est actuellement utilisée pour les analyses de cycle de vie dans le cadre de l’expérimentation E+C-, mais sert également de référence pour les évaluations carbone réalisées par l’ADEME.
Cette méthode consiste à scinder la production en deux : une production de base, stable et peu émettrice, et une production dite saisonnalisée qui permet de répondre aux pics de demande grâce à une production complémentaire thermique très émettrice de carbone.
De manière plus précise, la méthode consiste à :
- Définir pour chaque filière de production la part d’électricité « non saisonnalisée » et la part « saisonnalisée ». La part non saisonnalisée correspond dans la pratique à la production mensuelle la plus faible sur l’année (voir schéma ci-dessous, exemple production nucléaire).
Bilan électrique 2020 (source : RTE)
- Calculer les contenus carbone des mix électriques « non saisonnalisés » et « saisonnalisés » établis en sommant les productions « non saisonnalisées » et « saisonnalisées » définies dans le point précédent.
- Définir pour chaque usage de consommation d’électricité la part « non saisonnalisée » et la part « saisonnalisée », de la même manière que pour les filières de production (voir exemple ci-dessous)
Profil de consommation du chauffage en France en 2020 (source : RTE)
- Calculer le facteur d’émission annuel moyen pour chaque usage définit comme suit:
La nouvelle méthode mensualisée par usage
La méthode mensualisée par usage est adoptée par la nouvelle réglementation environnementale, la RE2020 qui remplace la RT2012 et contraint les émissions de carbone des nouvelles constructions.
Cette méthode propose d’attribuer proportionnellement le contenu carbone mensualisé du mix électrique français à la consommation mensuelle d’un usage.
Dans le détail, cette méthode consiste à :
- Définir un contenu carbone mensuel moyen obtenu à partir du mix électrique réel de chaque mois.
- Définir mensuellement la part des consommations de chacun des usages.
- Calculer le facteur d’émission annuel moyen pour chaque usage défini comme suit :
Cette méthode peut également être appliquée au pas de temps horaire ce qui permet une meilleure prise en compte de la flexibilité des moyens de chauffage. La mise en application (calculs) est cependant beaucoup plus complexe et les résultats sont très proches de la méthode mensualisée par usage.
Pourquoi ce changement ?
La méthode saisonnalisée par usage présente un certain nombre de limites qui ne reflètent pas le fonctionnement réel de la production et de la consommation de l’électricité en France. En voici les principales :
- L’usage chauffage est considéré comme entièrement saisonnalisé car quasi nul en été. En plus de la non-cohérence avec le fonctionnement réel, ce point signifie également que peu importe l’évolution du parc de production d’électricité en France, le facteur d’émission du chauffage électrique sera toujours complétement dépendant de la production dite « saisonnalisée » et donc de la production thermique (gaz, fioul, charbon) à fort impact carbone.
- La production photovoltaïque est faible en hiver (ensoleillement moins important et météorologie moins favorable) et est maximale en été ce qui conduit à un caractère « saisonnalisé » de la production, qui sera par la suite imputée aux consommations « saisonnalisées » représentées en grande partie par les consommations de chauffage.
- La séparation « saison douce » et « saison froide » n’est pas adaptée pour caractériser la production hydraulique qui présente une saisonnalité toute autre dépendante des épisodes pluvieux notamment.
L’ADEME considère ainsi que cette méthode est trop simpliste et aboutit à facteurs d’émission carbone beaucoup trop élevés. L’ADEME indique également dans la note technique diffusée en juillet 2020 que « cette méthode est devenue obsolète au regard de l’évolution du mix énergétique français, car conduisait à considérer l’usage chauffage comme 100% saisonnalisé ».
A contrario, l’ADEME précise dans sa note que la nouvelle méthode dite « mensualisée par usage » est plus simple, plus parlante et reflète l’aspect saisonnalisé du chauffage de façon plus juste.
Synthèse comparative des deux méthodes
Quelles conséquences pour la construction ? Le mot de Vizea
D’une part, ce changement abrupt de contenu carbone de l’électricité pour le chauffage créé une rupture entre aujourd’hui et les précédentes études carbone ou analyse de cycle de vie, les rendant incomparables.
Cette réévaluation du contenu carbone sous-entend également que la valeur précédente était bien supérieure au contenu « réel », et cela est d’autant plus vrai sur les dernières années avec l’évolution du mix électrique français et l’incorporation des énergies renouvelables que la méthode « saisonnalisée » ne permettait pas de prendre efficacement en compte.
D’autre part, cet abaissement du contenu carbone du chauffage électrique va tendre à provoquer une recrudescence de ce type de systèmes, avec cependant quelques limites.
Pour les nouvelles constructions, la RE2020 qui intègre ce nouveau contenu carbone devrait être applicable à partir de 2022 pour les logements, bureaux et établissements d’enseignement. Cette nouvelle réglementation environnementale intègre notamment un seuil d’émission de CO2 pour la phase exploitation des nouvelles constructions. Le ratio carbone étant très favorable pour le chauffage électrique, le seuil carbone imposé ne permettrait vraisemblablement pas de limiter la mise en œuvre de systèmes de chauffage électrique. La RE2020 intègre cependant un nouvel indicateur qui vise à limiter la part d’énergie non renouvelable consommée. Le ministère de la Transition Ecologique précise bien que cet indicateur de performance énergétique a bien vocation à limiter voire proscrire ce type de chauffage.
Le discours laisse cependant penser qu’avec une enveloppe exceptionnelle et des besoins en chauffage considérablement réduits, il serait possible de recourir à des systèmes de chauffage électrique à effet Joule (c’est notamment le cas sur certaines opérations passives). Si l’on considère cette solution sur le volet carbone, elle n’est pas forcément dénuée de sens.
En effet, le système de chauffage sera peu efficient, et donc les émissions de carbone liées à la phase exploitation seront plus importantes. Cependant, les retours d’expérience de l’expérimentation E+C- montrent que le poids carbone des nouvelles constructions provient majoritairement des produits de construction, et cela est d’autant plus vrai pour les bâtiments disposant d’une enveloppe très performante.
Le chauffage électrique permet ainsi de limiter le poids carbone des produits de construction : moins de réseaux, absence de chaufferie et de son local… Se pose alors la question suivante pour les bâtiments très performants : vaut-il mieux privilégier un système d’approvisionnement plus performant et plus vertueux (type réseau de chaleur géothermique, chaufferie bois…) nécessitant des équipements matériels à l’impact carbone lourd, ou une solution plus « simple » dont l’impact carbone en exploitation (lié aux consommations d’énergie) n’est plus si « noir » ?
A ce jour, les données carbone des produits du lot Chauffage Ventilation Climatisation (CVC) sont prises forfaitairement dans les analyses de cycle de vie du cadre de l’expérimentation E+C-. L’expérimentation propose ainsi un lot CVC forfaitaire à l’impact carbone très fort mais qui ne permet pas de différencier les solutions d’approvisionnement. La base de données carbone des produits liés à ce lot est encore trop peu fournie pour répondre complétement à l’interrogation précédente. Nous sommes ainsi encore très dépendants de la volonté des industriels à créer des fiches Profil Environnemental Produit (PEP).
Pour les opérations de rénovation, la RE2020 n’est pas applicable, c’est toujours la Réglementation Thermique existant (RTex) qui fait foi, dont les exigences ne sont pas à la hauteur de l’urgence climatique actuelle. L’enjeu de l’approvisionnement énergétique est d’autant plus important pour les opérations de rénovation, puisque les contraintes architecturales de l’existant (surfaces et épaisseurs disponibles pour l’isolation notamment), complexifient la réalisation d’une enveloppe thermique performante. En conséquence, cela signifie des consommations de chauffage généralement plus importantes que pour une construction neuve.
C’est donc un argument de poids qu’offre cet abaissement du ratio d’émission carbone du chauffage électrique pour limiter les émissions de carbone en exploitation, abaissement sur lequel il est important de prendre du recul.
À l’échelle nationale, une recrudescence des systèmes de chauffage électrique provoquerait une forte augmentation de la demande électrique en particulier lors des périodes froides. Si cette recrudescence est trop franche et ne laisse pas le temps au parc électrique français de s’adapter, la production électrique de ce surplus serait alors assurée par les filières de production électrique thermique (charbon, gaz, fioul) et le facteur d’émission carbone du chauffage électrique serait alors bien plus conséquent.
Il est également important d’observer les conséquences du chauffage électrique à une échelle plus large que la France. En effet, la France exporte une partie de son électricité décarbonée. De manière simplifiée, en multipliant les systèmes de chauffage électrique, la consommation d’électricité en France va de fait augmenter, et la part d’électricité exportée va diminuer afin de répondre à cette demande. Cela signifie que les pays voisins qui importaient l’électricité produite en France vont devoir la compenser en utilisant des systèmes de production beaucoup plus carbonés. Le bilan carbone global est alors beaucoup moins vertueux qu’affiché… Si ce poids carbone n’est pas pris en compte dans le contenu carbone retenu pour la RE2020, d’autres méthodes dites incrémentales permettent bien de le prendre en compte et sont utilisées à des fins d’évaluation de politique publique.
Et si l’urbanisme devenait stratégique ? Le rôle des Plans Locaux d’Urbanisme dans la transition écologique et énergétique.
- Création : 18 mars 2021
- Écrit par Laure PIERSON
Les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) s’affirment depuis plus de 20 ans comme l’outil principal d’aménagement des territoires à l’échelle d’une commune ou d’un groupement de communes. Ils fondent ainsi le socle d’un urbanisme dit « stratégique ». Comment et jusqu’à quel point cet urbanisme sert-il la transition écologique et énergétique ?
Le PLU, pièce maîtresse de l’urbanisme durable stratégique
L’aménagement des villes est aujourd’hui un des leviers de la capacité des territoires urbains à atténuer et s’adapter au changement climatique. En effet, le renouvellement de la ville sur la ville porte intrinsèquement :
- La rénovation énergétique du bâtiment et l’éco-construction, levier métropolitain n°1 des économies d’énergie et de diminution de l’impact carbone du bâti
- La lutte contre l’effet d’îlot de chaleur urbain et la prévention des risques naturels, enjeu essentiel pour garantir, demain, l’attractivité des territoires urbains
- Le développement de mobilités moins carbonées, accessibles à tous, en tout temps et en tout lieu
- La mise en place d’une démarche d’économie circulaire limitant la production de déchets et la consommation de ressources
- La réduction des inégalités territoriales de santé…
En cela, le Plan Local d’Urbanisme (PLU) constitue un puissant levier pour traduire la transition écologique et climatique dans l’acte de construire. Ce document d’urbanisme, à travers son Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) doit permettre d’affirmer les ambitions politiques au regard du contexte local et global, d’aujourd’hui et de demain. La traduction réglementaire (zonage, règlement écrit) et opérationnelle (Orientations d’Aménagement et de Programmation thématiques et sectorielles) doit enfin donner à la collectivité les leviers pour construire une ville plus durable et plus sobre. En cela, les PLU sont le bras armé de l’urbanisme durable stratégique qui s’articule, à notre sens, autour de trois grands piliers :
Les 3 piliers de l’urbanisme stratégique durable selon Vizea
Un urbanisme qui limite l’empreinte de la ville et ses effets sur la santé ou levier « atténuation »
Limiter l’empreinte environnementale de la ville passe inévitablement par une nécessaire sobriété. Sobriété dans l’acte de construire en limitant strictement les consommations des nouveaux bâtiments, l’impact des matériaux (analyse du cycle de vie), des travaux… mais aussi sobriété dans l’acte de vivre la ville. Par son façonnage, la ville doit pouvoir encourager la frugalité et ce, quelles que soient les classes et les origines sociales, en proposant une offre de consommation matérielle ou immatérielle locale et responsable.
Enfin, le document d’urbanisme doit nécessairement intégrer et s’attaquer aux inégalités territoriales de santé. Comme justement souligné dans le 4e Plan National de Santé Environnementale actuellement en consultation, il convient de « sensibiliser les urbanistes et aménageurs des territoires pour mieux prendre en compte les problématiques de santé et d’environnement dans les documents de planification territoriale et les opérations d’aménagement ».
La santé ne peut en effet s’expliquer uniquement par l’offre sanitaire et les comportements individuels. Agir en faveur de la santé des habitant.es nécessite de travailler sur les déterminants de la santé, soit les facteurs personnels, sociaux, économiques et environnementaux qui déterminent l’état de santé des individus, tels que définis par l’OMS.
L’intégration d’une stratégie Santé dans les documents d’urbanisme doit participer à la création d’un cadre de vie favorisant le bien-être de chacun.e, tout en réduisant, demain, les expositions aux facteurs négatifs sur la santé physique ou mentale telles que nuisances sonores, la pollution de l’air auxquelles bon nombre de villes sont soumises.
La présence et l’accessibilité de la nature en ville, ou encore le sentiment de sécurité et le confort des espaces publics relèvent directement des formes urbaines. Ces dimensions doivent être intégrées au sein d’une stratégie urbaine, mêlant problématiques environnementales et d’urbanisme durable, favorable à la santé.
Un urbanisme qui facilite l’adaptation de la ville de demain ou levier « résilience »
Le retour de la nature est plébiscité par bon nombre de citadin.es car il s’impose logiquement comme une manière de rendre le territoire plus vivable et plus résilient. La quête du « jardin » est, avec celle du prix de l’immobilier et de la surface du logement, une des raisons de la fuite du cœur des grandes métropoles pour leur banlieue.
Pour y remédier, les politiques publiques locales recherchent et promeuvent des projets propices à une redynamisation de la biodiversité, par l’introduction de trames vertes et bleues mais également en préservant des écosystèmes et en recréant des circuits courts d’approvisionnement afin remettre les habitant.es en connexion avec leur territoire. Là encore, le PLU s’impose, avec son zonage et ses capacités à limiter les emprises au sol, à imposer des espaces de pleine terre ou un coefficient de biotope par surface (CBS) comme la garantie de la protection et du renforcement de la nature en ville.
La résilience appelle également la capacité du territoire à intégrer et répondre aux effets du changement climatique (hausses des températures, évolutions des précipitations, occurrence et force des catastrophes naturelles). La ville doit apporter des solutions efficaces pour conserver et accroître son attractivité notamment : végétalisation, désimperméabilisation, gestion alternative des eaux pluviales permettant conjointement de lutter contre l’effet d’îlot de chaleur urbain et de limiter les risques naturels (inondations, mouvements de terrain…).
Un urbanisme qui réenchante la ville ou levier « inspiration »
Mais le PLU doit également être l’occasion de questionner la forme comme le fond. Ainsi, les échanges nourrissant l’élaboration d’un PLU questionnent assurément :
- Le rythme de la ville : quel est le pouls d’une ville sobre et résiliente ? comment fluidifier les échanges sans accroître l’empreinte précitée ? Les mobilités actives et décarbonées peuvent-elles donner le bon « tempo » de la ville ?
- Les fonctions de la ville : la notion de métabolisme urbain doit permettre de faciliter la mise en œuvre de certaines fonctions urbaines, non liées à l’urbanisme ou habitat. Par exemple la logistique urbaine, l’alimentation…
- La forme de la ville à savoir l’acception de nouveaux paysages urbains, de nouvelles formes architecturales, de nouveaux matériaux de construction -la modernité doit être à la hauteur et dialoguer avec les patrimoines architecturaux- mais également les équilibres entre les pleins et les vides avec la définition d’espaces publics bioclimatiques et inclusifs
- L’identité de la ville avec à la fois la transmission d’une histoire, d’un patrimoine architectural, des nouvelles dimensions sociales et culturelles et un nouvel équilibre avec une nature plus riche et donc moins contenue
Ainsi, le PLU, en définissant un cadre réglementaire local ambitieux peut porter les enjeux de zéro artificialisation nette et de neutralité carbone à 2050 sur toutes les futures opérations d’urbanisme, et ce aux différentes échelles :
- A l’échelle du bâti : articulation avec les normes et référentiels de haute qualité applicables aux « bâtiments » telle que la future RE2020…
- A l’échelle du quartier ou du secteur : îlots de fraîcheur, secteurs de performance énergétique, OAP…
- A l’échelle de la ville : densité urbaine, densité végétale, empreinte carbone, empreinte eau
Enfin, le PLU ne doit pas seulement dresser un cadre mais bien réussir à transformer le regard qu’élus et services portent sur l’aménagement en apportant davantage de nature dans des villes très minérales, en pensant le confort des espaces publics et des circulations douces (été comme hiver), en positionnant le territoire comme une ville « sobre » préservant les ressources, en développant la croissance verte…
La démarche BDF : une approche collaborative au service de la qualité environnementale et des acteurs franciliens
- Création : 24 février 2021
- Écrit par Michaël LOISON
Certifications HQE BD, NF Habitat HQE, Breeam,… Labels Effinergie, E+C-, BiodiverCity, OsmoZ… Vous connaissez ces différentes certifications et labels qui valorisent la qualité environnementale d’une opération et pour lesquels Vizea vous accompagne. Mais connaissez-vous la démarche Bâtiment Durable Francilien (BDF)? Alors que le référentiel Quartier Durable Francilien est en gestation, petit retour sur cette démarche à l'échelle du bâti ...
Une approche nouvelle pour une montée en compétences de tous
Initiée en Ile de France en 2017 par le centre de ressources Ekopolis, la démarche BDF s’adresse aux maîtrises d’ouvrages publiques et privées : collectivités territoriales, bailleurs sociaux, promoteurs immobiliers, foncières,… et ce, pour toute typologie de bâtiment, tant en neuf qu’en rénovation. Aussi, même si elle va permettre d’attester de la qualité environnementale d’un projet, la démarche BDF se distingue des certifications existantes grâce à une approche innovante : une approche collaborative.
En effet, la démarche BDF, consiste à accompagner et évaluer des opérations de construction et de réhabilitation durables en Ile de France,et se veut aussi comme un lieu d’échanges et d’apprentissage où les différents acteurs de l’opération, rassemblés au sein d’une même équipe, échangent avec les autres professionnels du secteur aux différents moments clés de l’opération.
Ainsi, pour tout projet, la démarche BDF intervient lors :
- de la programmation,
- de la conception (avant le dépôt de PC),
- de la réalisation (à environ 2/3 de l’avancement du chantier),
- des deux premières années d’exploitation.
Les jalons d’un projet BDF
A chacune de ces étapes, la Maîtrise d’ouvrage et son équipe (AMO, MOE, entreprises) effectuent un travail de fond en faveur d’une opération plus durable avec Ekopolis et l’Accompagnateur BDF sur la base d’une grille d’évaluation.
Une évaluation propre au territoire francilien
Cette évaluation détaillée permet de valoriser l’opération selon 300 critères répartis en 7 thématiques :
- Gestion de projet
- Territoire et site
- Solidaire
- Energie
- Eau
- Autres ressources
- Confort et santé
Les 7 thèmes (et leurs sous-thèmes) de la Démarche BDF
L’importance d’une cohérence globale, un partage d’expérience et une reconnaissance interprofessionnelle
L’équipe projet présente ensuite l’opération à une commission interprofessionnelle qui va apporter un regard sur la cohérence d’ensemble du projet. Celle-ci valorisera d’autant plus le travail de l’équipe projet que les différentes thématiques auront été abordées avec un même degré d’attention. De plus en plus, la méta-cohérence, c’est-à-dire la cohérence non seulement interne de l’opération (traitement homogène des thématiques) mais également externe est prise en compte pour s’assurer de la cohérence territoriale de l’opération : une école, fuut- elle en paille et BEPOS, est- elle cohérente si elle est construite loin des habitants et/ou proche de nuisances (acoustique, pollution…) et/ou loin de tout transport en commun ?
Jury Commission interprofessionnelle
Radar BDF
Par ailleurs, la commission jugera discute également les aspects innovants proposés par l’équipe projet. Ces ninnovations ne sont pas nécessairement techniques mais peuvent porter sur une nouveauté fonctionnelle : l’initiation d’une pratique encore peu commune comme par exemple, l’accessibilité au parking souterrain, sans avoir à emprunter le hall des résidents, offerte aux riverains du projet Reflay à Viroflay que nous accompagnons, afin de démocratiser le droit d’usage.
Ces commissions publiques sont un temps d’échange et de retour d’expériences en direct avec les participants : maîtrises d’ouvrages, architectes, bureaux d’études, entreprises, utilisateurs,…
Réalisées avant le dépôt de PC, à environ 2/3 de l’avancement du chantier puis après deux années d’exploitation, les commissions permettent ainsi de partager les bonnes pratiques et les difficultés rencontrées, pour esquisser collectivement des pistes d’améliorations qui pourront être intégrées à l’opération présentée, mais aussi aux opérations des autres acteurs présents.
Ce temps d’échange aboutit à un niveau de reconnaissance pour le MOA et son opération, qui se situe sur une échelle de 4 niveaux : cap, bronze, argent et or.
Ce niveau de reconnaissance, provisoire en phase conception et en phase chantier, ne sera définitif qu’en phase exploitation (2 ans après la livraison).
La reconnaissance : un label de qualité délivré par l’interprofession
Quelques particularités de la démarche BDF
Outre la montée en compétence de l’ensemble des participants et la large visibilité apportée à l’opération présentée et ses acteurs, la démarche BDF permet une meilleure intégration de sujets essentiels dans les différents projets comme la solidarité, la gestion de l’eau ou encore l’emploi de ressources et de savoirs-faires locaux à l’échelle du territoire de l’Ile-de-France.
Ainsi, la thématique « Solidaire » permet de s’interroger sur la mixité fonctionnelle, générationnelle ou sociale du projet afin de favoriser le logement pour tous, les services de proximité, l’insertion par l’emploi mais aussi l’optimisation d’espaces en recherchant leur partage entre utilisateurs (ex : laveries, locaux pour associations de quartier, pour une AMAP, un atelier de réparation de vélos, un garage associatif, un fab-lab, un jardin potager ou des composts collectifs…) et leur évolutivité.
Le thème « Eau », enjeu très important en Ile-de-France en raison de son urbanisation et de son exposition aux conséquences des changements climatiques en cours notamment aux épisodes de fortes chaleurs et de sècheresses, permet de s’interroger sur la réduction du besoin en eau potable, la récupération des eaux, la gestion des eaux pluviales de manière naturelle et paysagère et la gestion des eaux usées (réduction à la source de leur pollution ou traitements alternatifs de dépollution).
Le thème « Autres ressources », quant à lui, va venir porter une réflexion sur les déchets liés à l’usage et les ressources naturelles à travers la réduction du besoin en matériaux, les matériaux économes en ressources et les filières locales et contrôlées.
A noter que pour chaque niveau de reconnaissance sont définis un nombre de points minimum (voir schéma précédent) et quelques pré-requis : une analyse du site pour le niveau CAP, complétée, pour le niveau Bronze, d’un planning prévisionnel de l’opération (intégrant les moments forts de la démarche BDF) à faire vivre entre tous les acteurs tout au long de l’opération, d’une exigence de valorisation des déchets de chantier d’au moins 70%, d’un suivi des consommations des fluides et d’une étude de contribution à l’effet d’îlot de chaleur urbain. La mise en œuvre de solutions contre ce phénomène ainsi que la réalisation d’un audit énergétique et architectural en cas de rénovation sont quant à elles nécessaires pour l’atteinte du niveau Argent. Enfin, le niveau Or ne pourra être délivré sans les prérequis précédents et un inconfort thermique limité à 30h/an, la réalisation d’une étude de confort lumineux de type FLJ, une valorisation accrue des déchets de chantier (>90%) et la mise en œuvre de matériaux avec étiquettes A+.
L’Accompagnateur BDF
Formé par Ekopolis, l’accompagnateur BDF accompagne l’équipe projet - dont il fait partie (soit au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre soit de l’assistance à maîtrise d’ouvrage) - dans la mise en œuvre de la démarche BDF, afin de faire progresser à la fois l’équipe projet et l’opération.
Au regard des atouts et contraintes du projet, il aide les acteurs de l’opération à atteindre le meilleur niveau de qualité possible, à coût global maîtrisé.
Sans se substituer à l’ensemble des acteurs du projet, il a pour rôle :
- en phase programmation / conception : d’aider l’équipe projet à fixer le bon niveau d’ambition et à trouver les solutions spécifiques à l’opération ;
- en phase chantier : d’aider les acteurs dans la mise en œuvre opérationnelle des pré-requis et des choix retenus en conception au regard de la démarche BDF, et ce, jusqu’à la livraison ;
- en phase d’exploitation : d’analyser l’efficience des moyens mis en œuvre et d’en dresser des retours d’expériences (positifs et/ou négatifs) qui seront partagés lors de la dernière commission.
A chacune de ces trois phases, l’Accompagnateur BDF présente l’opération en Commission BDF avec l’équipe projet.
2 projets accompagnés par Vizea
"Recyclons" nos friches !
- Création : 22 janvier 2021
- Écrit par Mira KATRANDZHIEVA
Face aux défis que soulève le changement climatique, les friches représentent un gisement foncier dont la mobilisation et la valorisation constituent un enjeu majeur pour nos territoires. Leur reconversion contribue à limiter l’impact de l’artificialisation galopante des sols et de l’érosion de la biodiversité.
Un appel à projets "Recyclage foncier " - De quoi s’agit-il ?
Le Gouvernement offre l’opportunité inédite d’accompagner les territoires dans le cadre du Plan de relance et finance le "recyclage de friches" et fonciers artificialisés dans le cadre de projets d’aménagement, de revitalisation ou de relocalisation d’activités. 300 millions d’euros sont déployés dont :
- 40 millions consacrés à la reconversion des friches polluées issues d'anciens sites industriels ou miniers
- 1 million est consacré au développement d'outils de connaissance du foncier afin d'appuyer les collectivités et opérateurs dans l'inventaire des friches, mais également dans la mise en œuvre opérationnelle des projets
- 259 millions sont consacrés au recyclage foncier de projets d'aménagement urbain, de revitalisation des cœurs de ville, de périphérie urbaine, ou encore de requalification à vocation productive
La région Nouvelle-Aquitaine dispose d’une enveloppe de 16 millions d’euros sur deux ans, dédiée à cet appel à projets.
Les aides du fond s’adressent aux maîtrises d’ouvrages des projets d’aménagement ; peuvent en bénéficier les collectivités, les entreprises publiques locales, les sociétés d’économie mixtes, les bailleurs sociaux ou encore les entreprises privées.
La friche : lieu de tous les possibles !
La reconquête des friches offre une réponse durable et une alternative à l'étalement urbain. Leur valorisation permet de revitaliser les territoires et de limiter la consommation d’espaces viticoles, agricoles, forestiers et naturels, même si retravailler l’existant est plus complexe que d’engager des opérations sur du foncier agricole.
Nous sommes à un moment de bascule, vers une nouvelle façon d’aménager nos territoires, de les réparer, de les reconstruire, d’explorer des trésors oubliés, de les cultiver en harmonie avec les écosystèmes.
La friche est pour certains : un objet foncier non identifié, pour d’autres : un "actif urbain obsolète". Pour nous, elle est un réservoir de vie !
Frugalité foncière, urbanisme transitoire, réversibilité des opérations, sobriété urbaine, résilience des territoires,…derrière cette panoplie de termes parfois utilisés sans discernement, se trouve un sens commun : celui de la volonté de changer la face et la réputation de nos territoires, souvent accolés d’étiquettes.
Bien souvent friche, rime avec mauvaise image et sentiment d’abandon. C’est pourquoi, il est essentiel d’inverser le regard et de considérer les friches comme des lieux récepteurs de spontanéité et de biodiversité, deux facteurs qu’on s’obstine à chasser de nos territoires.
Affronter la complexité de jeux d’acteurs et de montage des opérations de friches en mobilisant les bons acteurs au bon moment est un gage de réussite.
Activer ces lieux aux insoupçonnables ressources !
La Nouvelle-Aquitaine possède un gisement foncier dont la connaissance est loin d’être parfaite et évaluer le potentiel de tous les espaces vacants en élargissant l’analyse au-delà des friches facilement identifiables, est un véritable défi. Aussi, les motifs de perte d’usage sont tout aussi variés que les natures mêmes des friches : des localisations qui ne répondent plus aux attentes, des bâtiments rendus obsolètes par des changements de modes de vie ou de travail ; des coûts de fonctionnement devenus prohibitifs, des qualités architecturales ou techniques trop dégradées, des contraintes réglementaires…
Or une région durable et résiliente ne laisse pas de côté son histoire et ses échecs, mais se construit avec.
La bonne nouvelle est que les friches peuvent devenir un étonnant support de renouveau situationnel, d’enrichissement social, culturel et humain. Les porteurs de projet doivent innover et se pencher sur ces opportunités qui font partie des réponses à trouver, pour atténuer et s’adapter aux changements climatiques.
Un exemple bordelais : Darwin
Une ancienne friche de la caserne Niel rénovée
L’écosystème Darwin, créé en 2009 est un lieu alternatif combinant esprit d’entreprise et dynamique associative, autour de valeurs de développement durable. Le projet a grandi donnant le jour à un foisonnement créatif : bureaux, coworking, restaurant bio, hangars dédiés aux cultures urbaines, évènementiels autour de l’écologie.
Cette reconversion a permis un dynamisme incroyable et une création de richesse sociale et culturelle chères à Bordeaux dans un quartier dont la mémoire, industrielle, ouvrière et populaire disparaît peu à peu. Darwin est devenu un lieu de brassage que les habitants et touristes se sont approprié rapidement.
Il est essentiel de garder un regard large pour comprendre le rôle des friches dans les dynamiques urbaines d'un territoire, et ne pas se limiter au constat d’accidents isolés de la fabrique urbaine.
La nouvelle histoire de ces "tiers lieux", "interstices laissés à l’abandon", "terrains en mutation dans l’attente d’une nouvelle occupation", … reste à écrie avec beaucoup d’ambitions. Ces sites de transition font écho à la vie, parfois nous avons besoin de la jachère et du temps pour être à nouveaux fertiles.