20% du gaz en France renouvelable en 2030 ?
- Création : 16 janvier 2023
- Écrit par Jean-François PAPOT
France gaz a a appelé à relever les objectifs de production de biogaz pour 2030 dans cette LPEC et à viser 20% de gaz renouvelables et bas carbone dans la consommation nationale de gaz en 2030. Au delà des chiffres annoncés, c'est l'occasion de revenir sur cette filière.
La future loi de « programmation quinquennale sur l’énergie et le climat » (LPEC) doit fixer la trajectoire énergétique de la France sur la période 2028-2033, par source d’énergie, avec des niveaux de production prévus en 2033. Cette loi, dont découlent notamment les mises à jour de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) et de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) sera d’après le gouvernement promulguée au mieux en juin 2023.
L’industrie du gaz a appelé à relever les objectifs de production de biogaz pour 2030 dans cette LPEC et à viser 20% de gaz renouvelables et bas carbone dans la consommation nationale de gaz en 2030. Tout ceci est cohérent de l’exercice prospectif conduit par l’Ademe en 2018 qui fait état de la possibilité d’un approvisionnement en gaz 100 % renouvelable en 2050.
Ces gaz renouvelables sont obtenus selon plusieurs voies complémentaires de valorisation des différentes ressources en biomasses, dont les matières biodégradables agricoles.
Vizea, notamment dans les approches territoriales climat/air/énergie, est souvent confronté aux débats entre partisans / opposants à la méthanisation.
Cette annonce de France Gaz est ainsi l'occasion de revenir sur les ordre de grandeurs de la filière, les différentes contre-parties (avérées ou potentielles) et finalement les différents éléments réglementaires autour de cette solution énergétique.
Qu'est ce que la méthanisation agricole
Le biogaz est produit à partir de déchets organiques issus de l’agriculture, des boues de stations d’épuration ou encore des biodéchets des ménages, dont la collecte reste cependant totalement balbutiante en France.
La méthanisation agricole est le processus biologique qui permet de transformer des matières organiques en biogaz. Celui-ci est ensuite brûlé pour produire de la chaleur, de l'eau chaude sanitaire ou de l'électricité. En bref, le schéma idéal se résume en 4 points :
- Valorisation des déchets organiques que produisent une exploitation agricole (lisier, fumier, déchets de cultures), une station d’épuration, une usine agroalimentaire.
- Production du biométhane obtenu par fermentation en absence d'oxygène (anaérobie) des bactéries présentes dans les déjections animales ou substrats de végétaux. Concrètement, les matières organiques sont stockées et brassées dans un digesteur maintenu à une température comprise entre 20 et 60° Celsius. La fermentation optimisée et accélérée produit un biogaz constitué à 40 % de gaz carbonique (CO2), 55 % de méthane (CH4) et 5 % de gaz divers. Ce gaz non-fossile, est injectable directement dans le réseau ou brûlé pour produire de l’électricité et de la chaleur.
- Récupération en fin de processus des résidus de matières organiques, appelés digestat, qui servent d’engrais.
- Accroissement des revenus (le cas échéant pour l’agriculteur) en vendant du gaz ou de l’électricité tout en réduisant ses achats d’engrais.
Ou en est la filière ?
L'ADEME fournit quelques ordres de grandeur qui permettent de prendre conscience des enjeux :
- Une vache laitière/an = 6 m3 de lisier + 6 t de fumier = 600 m3 de biogaz = 3 000 kWh d’énergie
- Méthaniseur agricole 150 kW = 150 vaches laitières + 1200 t de résidus ou cultures intercalaires (CIVE) = 3 000 MWh de biogaz = consommation équivalente de 200 ménages
- 1 000 kWh biogaz = 350 kWh électricité + 550 kWh chaleur =900 kWh biométhane = 900 kWh biocarburant (bioGnV)
Au 31 décembre 2021 :
- la France comptait dans le domaine agricole 1065 méthaniseurs en activité et 840 projets étaient en attente de validation pour s’installer.
- Avec 4,3 TWh sur une consommation totale de 474 TWh, le gaz renouvelable représentait 1 % du total en 2021. Sa production a plus que doublé en 2022, à 10 TWh, dans une année où la consommation gazière a baissé.
Une étude de mai 2022, portée par l'ADEME, analyse financièrement 84 unités de méthanisation agricole dans le cadre de PROdige (programme d'acquisition et de diffusion de références sur la méthanisation agricole). Cette étude, portée par le réseau des Chambres d'Agriculture conclut que :
- En cogénération, la production électrique moyenne atteint 88% du maximum possible et 43% des installations enquêtées dépassent 90%, ce qui témoigne de bonnes performances techniques. Au plan économique, le résultat établi sur une année est également favorable pour 80% des unités. La marge dégagée est en moyenne de 48 EUR par MWh d'électricité vendue mais avec une très grande dispersion de la plupart des critères étudiés.
- En injection, l'échantillon étudié est jeune avec moins de recul, ce qui doit être pris en compte dans l'interprétation des résultats. Ceux-ci sont en moyenne très bons, tant sur le plan technique qu'économique avec toutefois une grande variabilité. La production de biométhane atteint en moyenne 92% du maximum possible avec quelques dysfonctionnements. Les résultats économiques sont bons à très bons pour plus de 85% des sites. La marge moyenne est de 31 EUR / MWh PCS produits mais avec une très grande hétérogénéité.
Pourquoi cela serait techniquement possible d’atteindre 20% de biogaz en 2030?
France Gaz estime que la tendance actuelle se poursuivra, avec une consommation aux alentours de 400 TWh à horizon 2030. Le syndicat entend parallèlement atteindre une production de 25 TWh de biogaz en 2025, et 80 TWh en 2030.
Pour rappel, s’ils y trouvent leurs comptes par ailleurs, les fournisseurs de gaz naturel qui contrôlent plus de 10% du marché national sont contraints, depuis le 29 juin 2020, d’acheter du biogaz à tout producteur qui en fait la demande.
Selon France Gaz ,ce biogaz sera issu
- de la méthanisation, à hauteur de 50 TWh, dont 80% (environ 40 TWh) de méthanisation agricole. Ces méthaniseurs agricoles acceptent sans problème des bio déchets alimentaires, mais ce n’est pas la principale source. Les méthaniers utilisent des cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) », utilisées entre deux rotations de cultures principales et « des résidus d’agriculture et d’élevages.
- des déchets avec de nouvelles technologies (10 TWh), pour l’heure émergentes, telles que la pyrogazéification, qui consiste à chauffer les déchets à plus de 1.000 degrés en présence d’une faible quantité d’oxygène.
Quelles sont les contre-parties de la méthanisation?
A l’évidence, dans l’image d’Épinal de la méthanisation, le petit agriculteur utilise ses déchets, les méthanise, répartit le digestat comme engrais (limitant ainsi les engrais azotés industriels) sur tout son domaine en veillant à en utiliser juste ce qu’il faut pour ses cultures … et utilise le gaz pour produire localement soit sa propre chaleur soit son électricité… Super !
Sauf que… évidemment, pour massifier, il faut faire de grosses installations et donc il faut de l’argent, beaucoup d’argent. Le mythe du petit agriculteur s’effondre… place aux industriels (pas de jugement de valeur, il en faut aussi) qui risquent du coup privilégient les « intrants » les plus profitables (dans l’ordre les tourteaux de colza, les déchets et pailles de céréales, le maïs et les déchets animaux et en bas du podium, les lisiers et fumiers de porcs et de bovins).
On s'éloignerait alors des vœux de France gaz qui évoquent l’utilisation de CIVE entre deux rotations de cultures principales (qui a aussi l’immense avantage d’éviter de laisser les sols nus limitant ainsi les labours et le lavage des sols) et, le risque est grand, surtout en période de tension, d’une concurrence entre les fonctions agricoles.
Par ailleurs, non seulement les méthaniseurs peuvent avoir des fuites de gaz mais en plus pour garantir qu’une grande masse de digestat ne pollue les sols (et les nappes phréatique), il faut non seulement chauffer plus fort le digestat (plus compliqué pour une petite installation agricole) mais il faut également répartir le digestat sur une multitude d’exploitations agricoles idéalement hors zones d’infiltration très rapide qui conduiraient les polluants du digestat directement dans les nappes phréatiques. Il faudrait également introduire plus d’intrants riches en produits ligneux pour que le digestat ramène de la matière organique des sols mais les végétaux ligneux ne sont pas très rentables en termes de méthanisation … cet article de différents chercheurs de l’INRAE fait le point sur les potentiels « méfaits » de la méthanisation en matière de qualité agronomique.
Enfin, bien qu’un méthaniseur relève du régime des ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement), la réglementation a été assouplie en juin 2018. Si le méthaniseur consomme moins de 100 tonnes de matières par jour, un enregistrement auprès de la préfecture suffit. Au-delà, le régime de l’autorisation implique une enquête publique d’un mois pour recueillir l’avis du public mais dans la mesure où un gros méthaniseur de 610 kW consomme 30 tonnes par jour, peu de projets sont concernés par l’enquête publique.
Ce qui nous évite trop de souci en France, notamment du point de vue de la compétition sur les sols, c’est bien que la méthanisation ne soit encore que marginale.
Actuellement, selon une étude de l’ONRB de septembre 2022, seulement 5,5% de la ration annuelle moyenne des méthaniseurs français est constituée de cultures principales et la majeure partie des produits végétaux sont des Cive (13% de la ration moyenne) et des résidus de grandes cultures (2%). Les effluents d’élevages constituent encore 55% de cette ration mais la situation est très contrastée selon les régions.
Toutefois, la question se pose avec le déploiement prévu ou si la méthanisation se développe dans des secteurs où il n'y a pas d'effluents d'élevage, et qui dépendent davantage des cultures méthanogènes. Il pourrait alors s’organiser une concurrence des terres puisque la plupart du temps, ce qui fait le meilleur méthane est aussi comestible (tourteaux de colza, maïs…) ou exploitable (paille pour le bâti). En 2014, près de 7 % de la surface agricole allemande était dédiée aux 10 000 méthaniseurs du pays. Comme il s’agit en général d’une culture très émettrice de carbone (maïs par exemple), le gain envisagé peut devenir négligeable voire négatif si ces plantations remplacent des prairies agricoles ou pire des forêts voire, comme cela é été constaté en Allemagne des tourbières.
Que prévoit la Loi en regard de ces contreparties potentielles ou avérées ?
Notons en premier lieu au niveau économique que, pour les unités qui valorisent l’énergie par injection dans les réseaux de gaz : le tarif d’achat de l’énergie baisse de plus de 20 % si les résidus végétaux ne sont pas des inter-cultures de couverts mais des cultures énergétiques dédiées.
Par ailleurs, le décret n° 2016-929 du 7 juillet 2016 avait introduit un seuil de «15% maximum de cultures alimentaires ou énergétiques» dans la ration utilisée par les méthaniseurs. L’idée était de précisément éviter que les cultures normalement alimentaires ne soient utilisées (à plus de 15%) pour nourrir les méthaniseurs.
Certaines dérives sont constatées par certains chercheurs de l'INRAE : « de nombreuses cultures sont déclarées comme Cive alors qu'il s'agit de cultures principales à vocation énergétique et non pas de cultures intermédiaires. Une des rotations préférées en méthanisation (Cive d’hiver) est la suivante : céréales d'hiver semées à l'automne, récoltées avant maturité en mai pour alimenter les méthaniseurs, suivies de maïs récolté en septembre par ensilage pour alimenter les méthaniseurs, suivi de céréales …»
Pour anticiper la montée en force de la méthanisation, et répondre à ces dérives, le Décret n° 2022-1120 du 4 août 2022 précise qu’une culture est dite principale si elle répond à au moins un des critères suivants :
- Unique culture récoltée sur une parcelle au cours d'une année civile
- Culture déclarée comme culture principale dans une demande d'aide relevant d'un régime de soutien relevant de la politique agricole commune (PAC)
- Culture récoltée sur une parcelle pour laquelle aucune demande d'aide relevant d'un régime de soutien relevant de la politique agricole commune n'a été faite pour l'année de récolte
- Culture présente sur la parcelle au 1er juin, ou, le cas échéant, à une autre date comprise entre le 1er juin et le 15 juin, définie par le représentant de l'Etat dans le département, au regard des spécificités climatiques et des pratiques culturales
- Culture pérenne mentionnée à l'article R. 411-9-11-1 du code rural et de la pêche maritime ou culture cultivée sur une parcelle sur laquelle une culture pérenne est implantée. »
Le décret complète également la notion de « culture intermédiaire » en ajoutant un critère spatial (« des cultures cultivées sur l'Union européenne ») et un critère temporel (des « cultures qui sont semées et récoltées entre deux cultures principales récoltées sur une année civile ou deux années civile consécutives »).
Ce nouveau texte clôt-il le débat sur la distinction entre cultures principale et cultures intermédiaires, entre cultures vivrières et cultures à vocation énergétique… ?
L’histoire ne le dit pas encore mais pour permettre une mutualisation de la vérification avec le contrôle du critère de durabilité de la biomasse introduit par les articles 29 et 30 de la directive RED2, le respect de la limite de 15% de cultures alimentaires pour chaque lot de biométhane injecté est calculé sur une période de production inférieure à un an.
Cette directive CE 2018/2001, dite RED 2 (pour Renewable Energy Directive II) définit l'objectif de développement des énergies renouvelables en Europe et les règles du jeu pour l'atteindre. Initialement centrée sur l'encadrement de la production des biocarburants, sa deuxième version, publiée en 2018, a étendu le champ de ses exigences à la production de chaleur, de froid, d'électricité à partir de la biomasse et donc à la méthanisation. Pour contribuer aux objectifs de développement d'énergies renouvelables, les sites de production les plus importants ( > 19.5 Gwh par an) vont devoir rendre des comptes :
- sur la durabilité de la biomasse utilisée
- pour les sites les plus récents, sur l'atteinte d'un niveau de réduction d'émissions de Gaz à Effet de Serre (GES).
La certification de la durabilité de la production devient une obligation pour les méthaniseurs qui veulent commercialiser le produit en Europe et bénéficier du tarif d’achat en France à partir du 1er juillet 2023.
Les lots produits sur des sites mis en service entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2025 doivent présenter un potentiel de réduction des GES d'au moins 70% par rapport aux émissions résultant de l'utilisation d'un combustible fossile de référence ; cette exigence passera à 80% pour les sites mis en service à compter du 1er janvier 2026.
L'avis de Vizea sur le biogaz
L’annonce du potentiel industriel de 20% de biogaz conforte la faisabilité technico-économique du 10% prévu actuellement par la PPE. Il conforte nos prospectives ou potentiels territoriaux comme gage de crédibilité : le taux de 10% de biogaz est largement accessible pour 2030 !
Ce taux est d’autant plus accessible que la consommation de gaz globale baisse !C’est même sûr qu'en divisant par 4 la consommation de gaz actuelle alors le taux de biogaz peut atteindre les 20 voire les 30%.
D’ailleurs, Solagro (responsable du scénario Afterre 2050 en lien avec Negawatt) continue de pousser le développement de la filière, tout en prenant en compte les dérives évoquées mais avec parfois des hypothèse un peu optimistes ou du moins ne prenant pas en compte les augmentations récentes du prix du gaz.
Nous préconisons ainsi, hors spécificités territoriales, de :
- Maintenir l’objectif de baisse drastique (par la sobriété mais surtout par le changement de vecteur énergétique) de la dépendance au gaz,
- Maintenir voire amplifier l'objectif ambitieux de biogaz (plutôt à destination des transports),
- Conseiller aussi une certaine prudence pour veiller à ce que cette course au biogaz ne perturbe ni l’éco système économique des agriculteurs, ni les objectifs de séquestration carbone (voir les études 4/1000), ni les sols et nappes phréatiques, ni l’attractivité du territoire.
Comme l'évoque Salagro, tout projet de méthanisation doit s’adosser à un projet agricole, jamais le contraire.
A lire en complément : ce rapport du sénat fait un point bien plus exhaustif sur la filière
Bilan carbone: la règlementation évolue
- Création : 13 décembre 2022
- Écrit par BERNIER Quentin
Afin d’aider les entreprises à être toujours plus ambitieuses, la réglementation carbone évolue en 2022 selon 3 points principaux détaillés dans le présent article.
Elargissement du périmètre des entreprises pouvant être prises en compte dans le bilan consolidé d’un même groupe (Décret BEGES 2022)
Par le passé plusieurs Bilan d'Emissions de Gaz à Effet de Serre (BEGES) devaient être réalisés pour un même groupe si les SIREN étaient différents, ce qui ne facilitait pas, économiquement et en termes d'organisation, le lancement des BEGES.
A partir de 2023, le périmètre organisationnel des BEGES est modifié : L’ensemble des établissements sera pris en compte pour un même BEGES même si les SIREN sont différents.
Une entreprise peut ainsi déclarer les résultats consolidés à l’échelle de l’ensemble de ses établissements et filiales pour une stratégie commune.
Source : ADEME
Elargissement du périmètre des émissions prises en compte émissions directes et indirectes significatives (Décret BEGES 2022)
Les émissions de gaz à effet de serre d’une organisation peuvent être :
- Directes : émises “directement” par l’entreprise (par exemple en consommant un carburant ou du gaz et indirectes :
- Indirectes c'est à dire émises “ailleurs” mais qui n’existeraient pas sans l’activité de l’entreprise.
Pour suivre plus finement ces émissions, les BEGES sont segmentées en trois catégories (dites "scopes") :
- le Scope 1 comprenant tous les gaz à effet de serre émis directement par l'entreprise : le chauffage dans les locaux, les émissions des véhicules détenus par l'entreprise, etc. bref toutes les émissions directes, issues de combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon…). ;
- le Scope 2 regroupant les émissions indirectes et liées à l'énergie ;
- le Scope 3 agrégeant l'ensemble des émissions indirectes hors scope 2 : produits et services achetés, transport et logistique, déchets, etc.
Avant 2023 le scope 3 n’était pas obligatoire.
Le décret 2022 modifie le périmètre opérationnel de manière à comptabiliser les émissions de GES selon un périmètre élargi (scope 1, 2 et 3).
Par exemple, en 2023, si une entreprise a une partie de ses émissions générées par ses achats ou la logistique, elle aura l’obligation de calculer ces émissions ce qui n’était pas le cas avant la révision du décret.
La nouvelle méthode bilan carbone redéfinit également le périmètre selon 6 catégories, qui couvrent les anciens scopes 1, 2 et 3. La réorganisation des catégories d’émissions proposée est la suivante :
- Catégorie 1: émissions directes (anciennement scope 1) ;
- Catégorie 2: émissions indirectes liées à l’énergie (anciennement scope 2) ;
- Catégories 3 à 6 : autres émissions indirectes (autrefois scope 3).
Source : ADEME
Modification du périmètre de déclaration (Décret BEGES 2022)
Il devient obligatoire de déclarer les 6 catégories en intégrant les émissions significatives. Leur significativité est évaluée par les critères suivants :
- Ampleur : importance des émissions en quantité
- Influence : capacité d’action des acteurs
- Vulnérabilité : prise en compte de la vulnérabilité de l’acteur
- Lignes directrices : émissions caractéristiques du secteur
- Sous-traitance : émissions liées à la sous-traitance constituant des activités de base
- Engagement : motivation des parties prenantes
Pour rappel, l’obligation de dépôt concerne les structures suivantes :
- Toutes les personnes morales de droit privé de plus de 500 salariés en France métropolitaine ;
- Toutes les personnes morales de droit privé de plus de 250 salariés dans les régions et départements d’outre-mer ;
- Toutes les personnes morales de droit public de plus de 250 salariés ;
- Collectivités de plus de 50 000 habitants.
Autres dispositions de la Loi Energie Climat (LEC)
La LEC prévoit un renforcement du plan d’action en plan de transition, plus précis sur les moyens et actions. Il devient ainsi obligatoire de proposer un plan d'actions :
- Opérationnel: les moyens de mise en œuvre des actions et le volume de réduction des GES doivent obligatoirement être indiqués a minima;
- Coconstruit: le plan d'action doit être défini avec l’équipe projet et/ou concerté avec l’ensemble des salariés ou parties prenantes ;
- Objectivé: il est (largement) conseillé d’inclure des objectifs de réduction à moyen et long terme, a minima ceux de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) ;
- Inscrit dans le temps: Dès le second Bilan GES, le plan de transition inclut également la description des actions mises en œuvre au cours des années suivant le bilan précédent ainsi que les résultats obtenus. Il est important d’y ajouter en cas de non mise en œuvre des actions projetées, une analyse des causes et la justification de non mise en œuvre.
Enfin, la réglementation inclut une augmentation du plafond de sanction de 1 500 € à 10 000 € voire 20 000 € en cas de récidive.
Pour plus d'informations :
- Décret carbone: https://www.ecologie.gouv.fr/actions-des-entreprises-et-des-collectivites-climat#scroll-nav__6
- Lien de dépôt des BEGES https://bilans-ges.ademe.fr/fr/accueil/contenu/index/page/Comment_publier/siGras/0
- Recommandations plan de transition : https://bilans-ges.ademe.fr/fr/accueil/contenu/index/page/plan_d_actions/siGras/0
Eco-conception : une démarche utile, nécessaire et subventionnée
- Création : 11 octobre 2022
- Écrit par Victor LIMOUSIN
Longtemps perçue comme une démarche facultative lors du développement d’un produit ou d’un service, l’éco-conception doit désormais s’inscrire dans le cœur des méthodes de travail des entreprises. Source d’innovation, de résilience et de gain en compétitivité, l’éco-conception a tout pour plaire. Qu’est-ce que l’éco-conception ? Quelle démarche suivre ? Quelles subventions ? Réponses à toutes ces questions ci-dessous.
Qu’est-ce que l’éco-conception ?
Une démarche d’écoconception vise à prendre en compte l’environnement dans la conception et le développement de produits et de services. Cela revient à concevoir en toute connaissance des impacts environnementaux, en adoptant une démarche de compromis entre les contraintes techniques, règlementaires, commerciales et environnementales. L’éco-conception a pour objectif la réduction des impacts environnementaux tout au long du cycle de vie du produit, à service rendu au moins équivalent.
La démarche d’écoconception est une analyse croisée selon deux axes :
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Approche cycle de vie (ACV): ce sont toutes les étapes de la vie du produit qui sont prises en compte (extraction des matières premières, fabrication, transport, distribution, utilisation, fin de vie et valorisation)
Représentation graphique des phases du cycle de vie – Source : Vizea
- Approche multicritères: de nombreux indicateurs environnementaux sont pris en compte afin d’avoir une évaluation à 360° des impacts (épuisement des ressources naturelles, changement climatique, destruction de la couche d’ozone, acidification atmosphérique, pollution de l’air et de l’eau, consommation d’énergie primaire et production de déchets solides, etc.)
Exemples d’impacts environnementaux considérés – Source : Vizea
Quelle démarche d’éco-conception ?
La norme ISO 14 062 – Management environnemental présente l’intégration des aspects environnementaux dans la conception et le développement de produit. Les démarches d’éco-conception pour objectif d’être complétement intégrés par les équipes de développement. Néanmoins il est conseillé de s’accompagner d’experts en développement durable lors de la réalisation des premières démarches.
Le processus d’éco-conception se décline généralement en 6 étapes principales :
- Cadrage de la démarche (objectif, enjeux, périmètres, Unité Fonctionnelle)
- Evaluation environnementale initiale : identification des principaux impacts environnementaux
- Recherche de pistes d’éco-conception
- Hiérarchisation des choix grâce à des outils d’aide à la décision
- Evaluation environnementale comparative du nouveau produit/service
- Communication environnementale adaptée
Selon les besoins et les ambitions de la démarche, différents niveaux de maturité sont accessibles. De l’amélioration progressive de produits existants (A) au concept à fonctionnalités identiques mais largement modifié (B). L’étape finale peut consister à la définition d’un nouveau concept (C), comme le passage d’une logique produit à service par exemple (étape initial menant à l’évolution du modèle d’activité de l’entreprise).
Pour prendre en compte les enjeux sociaux : l’ACV sociale
L’éco-conception permet donc la recherche d’un compromis entre performance, faisabilité, impacts environnementaux et coûts. Néanmoins les aspects sociaux et sociétaux ne sont pas pris en compte dans les démarches d’éco-conception classiques. Dans le cadre d’une démarche de développement durable ou d’une stratégie RSE, il est possible d’évaluer l’empreinte socio-économique d’un produit ou d’un service.
L’ACV sociale permet d’identifier les impacts sociaux et sociaux-économiques générés ou attendus à chaque étape du cycle de vie. Tout comme l’approche cycle de vie, ce bilan est effectué en considérant 5 types de parties prenantes et 6 catégories d’impacts :
- Communautés locales - Salariés - Fournisseurs et partenaires - Consommateurs - Grand public
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- Santé et Sécurité - Gouvernance - Conditions de travail - Droits humains - Répercussions socio-économiques - Héritage culturel |
L’intégration de l’ACV sociale dans une démarche d’éco-conception permet d’évaluer les risques et bénéfices socio-économiques associés au nouveau concept, d’accompagner la conception de produits responsables et de communiquer auprès des parties prenantes.
Des aides à chaque étape du projet
Dans le cadre du Plan de relance, l’ADEME bénéficie d’une enveloppe de 35 millions d’euros sur les deux prochaines années pour faciliter les mises en transition. Quelque soit la maturité de la démarche d’éco-conception, des subventions et aides à l’investissement sont accessibles aux TPE et PME :
- Diagnostic et études « premiers pas « éco-conception » pour se lancer dans la démarche, jusqu’à 5 000 € via le Tremplin pour la transition écologique des PME
- 70% de l’étude d’éco-conception d’un produit ou service tous secteurs d’activité, et plus particulièrement la mode durable, le numérique ainsi que les filières alimentaires et agro-alimentaires
- 70% de l’étude pour un projet d’économie de la fonctionnalité, pour développer un service alternatif à la simple fourniture d’un produit
- Entre 15 et 55% des investissements liés à la mise en œuvre du projet d’éco-conception, pour faciliter la mise en production et la commercialisation d’un nouveau produit ou service écoconçu.
En complément, le Fonds Economie Circulaire peut aussi être utilisé par les acteurs économiques. Au total, les aides proposées par l’ADEME sont multipliées par quatre par rapport aux années précédentes.
L’ADEME propose de nombreuses aides à l’éco-conception, notamment via le Plan de Relance
Dans le cadre d’une démarche d’amélioration continue et pour s’engager pleinement dans le nécessaire développement durable, une entreprise doit identifier les enjeux environnementaux de ses produits et services pour cibler les leviers d’actions. Outre les gains environnementaux, l’écoconception est un levier de création de valeur permettant d’améliorer le produit ou service, grâce un facteur différenciant et permet de fédérer les équipes autour d’un projet porteur de sens.
Sources :
ADEME :
- https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/aides-financieres/2022/tremplin-transition-ecologique-pme
- https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/aides-financieres/2022/etudes-decoconception-produits-services-secteurs-numerique-mode
- https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/aides-financieres/2022/etude-associee-a-demarche-projet-deconomie-fonctionnalite
- https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/aides-financieres/2022/etude-associee-a-demarche-projet-deconomie-fonctionnalite
- https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/dechets/passer-a-laction/fonds-economie-circulaire
Pôle éco-conception :
Espace Public Sensible & Inclusif
- Création : 20 septembre 2022
- Écrit par Clément Huguet & Raphaëlle Lamy
L’espace public, nous le pratiquons chacun quotidiennement. Support de nos déplacements, lieu d’échanges, d’accès à la nature ou encore d’attente ou de halte, il constitue la trame de fond de nombreux moments de notre vie.
S’il est un espace où nous retrouvons aussi bien nos proches qu’un espace où nous pouvons nous ressourcer et nous aérer l’esprit, il est aussi un espace de passage qui peut parfois être anxiogène, propice au sentiment d’insécurité ou sembler inadapté à nos besoins ou la nature de nos déplacements.
Ainsi, la conception des espaces publics nécessite de considérer l’ensemble des usagers (enfants, personnes âgées, adolescents, adultes, familles, personnes en situation de handicap…) pour identifier leurs besoins variés, anticiper les contraintes auxquelles ils peuvent faire face au quotidien, intégrer leur sensibilité et leur perception, favoriser l’appropriation égalitaire de ces espaces destinés à l’usage de toutes et tous.
Cette infographie questionne les mécanismes de réflexion et enjeux d’appropriation de l’espace public et propose des leviers d’actions pour les concevoir de manière adaptée pour toutes et tous. Outre les leviers d’aménagement qui sont principalement présentés ci-dessous il est nécessaire de souligner l’importance de la concertation qui constitue un des meilleurs moyens pour concevoir des espaces publics répondant aux attentes des différents usagers.
La Transition Environnementale des Entreprises : un business model soutenable pas à pas
- Création : 30 août 2022
- Écrit par Justine BISIAUX
Notre contexte économique, environnemental et sociétal démontre aujourd’hui une nécessaire course à l’innovation selon un modèle plus soutenable pour les entreprises. Cependant l’innovation peut sembler inaccessible à certaines d’entre elles. Il convient ainsi, une fois l’innovation soutenable définie (cf. article Innover en faveur d’un développement soutenable : Qu’est-ce que l’innovation soutenable ?) de s’intéresser aux différentes manières d’innover pour les entreprises.
Innover par le modèle économique
Notre précédent article proposait une définition de ce que peut être un business model soutenable. L’innovation soutenable du modèle économique d’une entreprise s’évalue ainsi d’après notre approche selon l’intégration et l’articulation de quatre dimensions : l’attractivité, la rentabilité, la performance environnementale et la création d’emplois, partenariats.
Mais ces différentes dimensions peuvent être intégrées de manière plus ou moins radicales, sous une forme de gradation, de transition de l’innovation soutenable.
Cette progression fait l’objet de notre approche pas à pas de la Transition Environnementale des Entreprises.
L'innovation de modèle économique en entreprise: une approche pas à pas
Il est important de considérer que toutes les entreprises ne sont pas égales face à la possibilité d’innover que ce soit d’un point de vue économique ou de la capacité à prendre un risque élevé. Nous concevons l’innovation soutenable comme une transition à adopter en fonction de ses moyens initiaux et de s’appuyer sur cette base pour définir une trajectoire permettant de revoir continuellement ses ambitions à la hausse. Cette trajectoire s’inscrit ainsi dans une démarche pas à pas de l’innovation de business model.
- Un premier pas : l’innovation incrémentale de produit ou service
Le premier niveau de l’innovation soutenable consiste à reconsidérer le produit ou le service vendu par l’entreprise et chercher à le rendre plus « responsable ». Reprenons l’exemple fil conducteur de notre article sur l’innovation soutenable : une entreprise de production de jeans. Le premier pas pour cette entreprise consistera à travailler sur l’éco-conception (conception plus environnementale) de ses pantalons. En utilisant des matériaux moins impactant pour l’environnement, plus durables, en redéfinissant les process pour qu’ils consomment moins de flux (eau, énergie, intrants), etc.
Le jean produit sera alors plus attractif de par son estampillage « moins impactant pour l’environnement ». L’entreprise devra bien évidemment s’assurer de sa rentabilité financière, mais s’affranchira d’une vulnérabilité de court terme relative à l’évolution des normes de plus en plus contraignantes par exemple. D’un point de vue environnemental, l’impact est mesurable sur le produit lui-même par une utilisation plus sobre des ressources et le choix de matériaux plus durables. Enfin, ce modèle impliquera l’intégration de nouvelles compétences internes en développement soutenable.
2. Un deuxième pas : l’innovation incrémentale d'une organisation, d'un réseau de valeur
Pour aller plus loin sur notre exemple, le deuxième pas permettra à l’entreprise de prendre du recul et d’élargir son périmètre d’actions à l’ensemble de son réseau de valeur en analysant l’ensemble des étapes du cycle de vie du produit mais également l’impact de l’ensemble des parties prenantes autour du réseau de valeur existant. Notre producteur de jeans se posera ainsi la question de la soutenabilité de sa production à l’étranger, pour la rapatrier localement et sur le choix de ses partenaires, par exemple les transporteurs en définissant des clauses de soutenabilité dans son cahier des charges : derniers kilomètres en vélo cargo, utilisation de véhicules roulant au biogaz, etc. L’attractivité de son produit est ainsi encore plus élevée vis-à-vis de son impact environnemental et sociétal. Concernant la rentabilité, le produit sera éventuellement vendu plus cher mais présentera une plus grande attractivité et s’affranchira de certaines vulnérabilités (dépendance à des marchés externes, taxe carbone, etc.). L’impact environnemental est ici mesurable sur l’ensemble du réseau de valeur et plus uniquement sur le produit lui-même. Enfin en termes d’emplois et partenariats, l’entreprise créé de l’emploi local qualifié et s’entoure de partenaires partageant ses valeurs.
3. Un troisième pas ou regard vers l'avenir: l'innovation de rupture
Pour répondre aux critères présentés dans la première partie de cet article, l’innovation de rupture est l’innovation la plus poussive. Elle implique un degré de rupture profond vis-à-vis de l’existant, aussi bien dans les modes de production que dans les modes de consommation. Elle vise même à s’en extraire pour repartir de l’objectif de soutenabilité. Ces ruptures engagent des modifications dans les usages pour le consommateur et des modifications dans les modalités de développement, de production et de valorisation de ces nouvelles offres pour les entreprises. Ensuite, et de manière complémentaire, ces innovations soutenables de rupture disposent d’une dimension systémique. Dès lors qu’elles opèrent des ruptures radicales, elles engagent un changement dans les interdépendances qui peuvent s’établir entre les différentes parties prenantes et dimensions d’un système. Ces innovations, ne peuvent être développées de manière isolée, sans remettre en question les équilibres et modes d’interaction préexistants sur l’ensemble du réseau de valeur impliquant plusieurs entreprises. Appréhender l’innovation soutenable dans sa manière la plus complète implique donc de saisir un processus complexe de changement, articulant des ruptures aux niveaux organisationnel, inter-organisationnel et sociétal.
Pour notre producteur, il s’agira peut-être de ne plus vendre des jeans, mais de développer une offre de leasing de jean, s‘engageant ainsi dans un nouveau modèle d’économie de fonctionnalité et d’économie circulaire ou même pourquoi pas de changer de produit initial, le jean étant un produits textiles à fort impact environnemental. En repensant son activité via son objectif de soutenabilité, l’entreprise repousse ses limites et construit un tout nouveau modèle économique. La rentabilité sera assurée par une location en lieu et place d’une vente et l’entreprise réduira sa vulnérabilité liée à la raréfaction des matières premières puisqu’elle produit moins. L’attractivité tiendra dans cette offre de soutenabilité de rupture dans laquelle le consommateur sort du schéma de possession pour adopter l’accès à des produits textiles de qualité, produits localement et à l’impact environnemental réduit. La performance environnementale se situe à tous les niveaux : produit, réseau de valeur, intégrant les consommateurs et création d’une circularité du produit. Enfin, ce modèle nécessite de nouveaux emplois dédiés aux spécificités de ce nouveau modèle de production et de rémunération ainsi que de nouveaux partenariats.
L’innovation soutenable pas à pas
L'innovation soutenable à portée de chacun:
L’émergence de l’innovation soutenable et de ces nouveaux business models résulte d’un processus de construction collective, de négociation entre des points de vue hétérogènes à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise. De ces interactions émergent des logiques d’enrôlement et de détermination progressive de l’innovation. Le business model agit à la fois comme outil de transition mais également d’explicitation de ce que peut être une innovation soutenable. Ainsi, il est nécessaire de circonscrire les possibles d’une innovation soutenable. Cet article propose un panel de solutions permettant d’innover de manière soutenable en fonction de la maturité de l’entreprise et de sa capacité/volonté à prendre des risques. Ces typologies d’innovation permettent d’offrir une trajectoire progressive accessible et offrant un panachage qui s’adapte à chaque situation. Pour ces différents pas, il existe aujourd’hui de nombreux financements pouvant inciter les entreprises à enclencher leur transition de modèle économique (cf. Mission Transition Ecologique et les aides.fr). Alors n’attendez plus et engagez-vous !
Sources:
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