Nous le savons, les prochaines années sont charnières pour inscrire les secteurs du bâtiment, des transports et de l’aménagement dans une dynamique de décarbonation massive, en vue d’atteindre les objectifs fixés par la stratégie nationale bas carbone (SNBC) à l’échelle française, qui vise la neutralité carbone de la France en 2050.
Si de plus en plus de réglementations régissent le bâtiment et sa performance environnementale, l’échelle de l’aménagement est encore peu regardée sous l’angle des émissions de gaz à effet de serre, pour concrètement passer un cap vers la décarbonation.
Des méthodologies d’évaluation existent pourtant à l’échelle des opérations d’aménagement et de renouvellement urbain, pour réaliser des études dites « BEGES Quartier ».
Qu’est-ce qu’un BEGES Quartier ?
Le bilan de gaz à effet de serre d’une opération d’aménagement est une évaluation de l’ensemble des émissions de GES de l’entité étudiée, sur une durée de vie fixée (usuellement de 50 ans). Ces émissions sont quantifiées par poste, c’est-à-dire qu’elles sont caractérisées selon leur origine. Les postes analysés sont les suivants :
Phase chantier :
- Energie : énergie consommée par les usages des chantiers (engins, base vie…)
- Matériaux : matériaux mis en œuvre pour les travaux portant sur les bâtiments et les espaces publics
- Changement d’usage des sols : flux carbone induits par la libération et la séquestration de carbone dans les sols et la végétation
- Transport : transport des terres et des déchets depuis le chantier vers leurs exutoires.
Phase exploitation :
- Energie : énergie consommée par les bâtiments et les espaces extérieurs
- Mobilité : ensemble des déplacements des usagers du quartiers pendant toute la phase de vie du quartier
- Déchets : ensemble des déchets générés et traités
- Eau : consommation d’eau des bâtiments et des espaces extérieurs
Est-ce réglementaire ?
A l’heure actuelle, la réalisation d’un bilan de GES d’une opération d’aménagement est obligatoire dans le cadre d’une étude environnementale d’impact. Cette évaluation porte sur la caractérisation des émissions de l’existant, c’est-à-dire du scénario sans opération d’aménagement, et des émissions du scénario projet. Ces deux scénarios sont ensuite comparés pour identifier l’impact réel du projet par rapport à ce qui existe déjà.
À la suite de la réalisation du bilan, des mesures E-R-C (Eviter, Réduire et Compenser) doivent être définies pour le projet et suivies dans le temps. Ces mesures ont pour objectifs de réduire les émissions de GES mais ne constituent pas réellement une remise en question profonde du projet et des grandes orientations qui peuvent réduire drastiquement les émissions. D’autant plus que pour la majorité des opérations, le bilan de GES est réalisé une fois que le projet urbain est dessiné et validé, c’est-à-dire une fois que les orientations de conception les plus impactantes ne peuvent plus vraiment être modifiées.
Le moment auquel le BEGES est réalisé est donc crucial pour réellement engager une conception vertueuse et bas carbone des aménagements, de manière à intervenir avant que les décisions de programmation et de conception des espaces ne soient tranchées. La collaboration avec toutes les parties prenantes est également importante pour prendre en compte les contraintes de chacun et envisager le plus tôt possible des modifications.
Ordres de grandeur de l’acte d’aménager
Alors pour anticiper ces études qui sont parfois tardives, il est déjà nécessaire de connaitre les ordres de grandeur de l’aménagement, c’est-à-dire d’où viennent majoritairement les émissions. Pour cela, nous capitalisons chez Vizea les données qualitatives et quantitatives des études que nous menons sur les différentes opérations d’aménagement pour en tirer des tendances et des indicateurs évocateurs de manière à mieux accompagner les opérations suivantes, et ce, dès les premiers coups de crayons.
Car même si chaque opération d’aménagement ou de renouvellement urbain est unique de part sa programmation, sa localisation ou l’imbrication de l’ensemble des contraintes et ambitions environnementales, les postes les plus émetteurs et les éléments techniques ou programmatiques qui sont responsables des émissions sont très souvent les mêmes. Les deux premiers chiffres à avoir en tête sont ceux de la répartition des émissions pour les phases chantier et exploitation. Cela laisse donc penser qu’il va falloir accélérer les efforts que nous mettons dans la décarbonation de l’exploitation de nos bâtiments et des espaces publics, et particulièrement sur le volet énergétique.
Figure 1 : Répartition moyenne des émissions entre la phase chantier et la phase exploitation
Si l’on regarde la phase d’exploitation de manière un peu plus précise, la répartition des émissions est la suivante :
Figure 2 : Répartition moyenne des émissions pour la phase exploitation
Figure 3 : Répartition moyenne des émissions pour la phase chantier
Alors il s’agit ici de moyennes, réalisés à l’échelle de 30 opérations d’aménagement. Si elles possèdent toutes des caractéristiques qui leur sont propre et qui peuvent parfois remettre en question ces répartitions d’émissions, les leviers de décarbonation restent les mêmes.
Quels leviers actionner ?
- Repenser les usages des quartiers
- Permettre aux usagers de disposer de l’ensemble des services au sein d’un même quartier
- Assurer une mixité des usages au sein des bâtiments
- Anticiper la réversibilité des bâtiments à long terme
- Être mieux mobiles au quotidien
- Anticiper les futurs besoins de déplacements des usagers
- Connecter le quartier aux transports en commun
- Concevoir un système vélo global et performant
- Renouveler le bâti et l’urbanité existante
- Prioriser la rénovation globale et bas carbone des bâtiments
- Intégrer l’opération dans une stratégie globale de réemploi et d’économie circulaire
- Accélérer la sobriété énergétique
- Développer les énergies renouvelables mais surtout réduire les émissions de GES à la source
- Permettre un foisonnement des besoins énergétiques au sein des différents bâtiments
Quel lien avec l’empreinte des Français ?
L’empreinte carbone d’un français et est donc étroitement lié avec la qualité de service, d’usage mis à sa disposition.
Qu’il s’agisse de l’ensemble des services offerts à l’usager (commerce, école, établissements publics) à proximité, ce seront d’autant de possibilité de vivre au quotidien en limitant ses déplacements et par conséquent la place de la voiture en tant de mode de déplacement.