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Les solutions fondées sur la nature : une nouvelle et essentielle approche de l’aménagement du territoire

 

Le changement climatique est l’un des premiers facteurs d’érosion de la biodiversité. Au regard des récentes conclusions du rapport 2021 du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC), cette perte est amenée à s’accélérer sans intervention rapide et concrète. Les Solutions Fondées sur la Nature (SFN) sont justement des leviers permettant d’apporter des bénéfices aussi bien à la biodiversité qu’aux sociétés humaines. Les possibilités d’actions en ville continuent de se multiplier au travers de dispositifs de recherches et de projets innovants, en France et dans le monde entier.

Les solutions basées sur la nature : de quoi parle-t-on ?

  • La biodiversité : la chute vertigineuse

Depuis les années 1970, en France et dans le monde, prise de conscience est faite que les activités humaines, associées aux changements globaux inhérents aux cycles terrestres, ont des impacts majeurs sur la biodiversité. Cette dernière notion, proposée en 1988 par Edward O. Wilson puis popularisée lors du sommet de la Terre de Rio en 1992, se définit comme la diversité des êtres vivants et des écosystèmes : la faune, la flore, les bactéries, les milieux mais aussi les gènes et les variétés domestiques. Cette notion intègre également les interactions qui existent entre les différents organismes précités, tout comme les interactions entre ces organismes et leurs milieux de vie.

Depuis cinquante ans, les sciences de la conservation et de l’écologie scientifique tirent une sonnette de plus en plus alarmante sur l’état de cette biodiversité à l’échelle mondiale. L’érosion de la biodiversité s’accélère et implique la réduction de plus en plus d’espèces et d’écosystèmes. La biodiversité disparaît trois-cent fois plus vite qu’attendu (Clergeau, 2020). Les causes de cette perte sont multiples : dégradation des terres et artificialisation des sols, pratiques agricoles intensives et déforestation, changement climatique, pollution des eaux, des sols et de l’air, espèces exotiques envahissantes, … que de facteurs qui seront amenés à accentuer les événements climatiques extrêmes, multiplier les maladies ou entraîner des conséquences politiques et sociales de plus en plus graves.

  • Une réponse favorable à l'Homme comme à l’environnement

En réponse à ce constat, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), une ONG environnementale, a proposé la notion de Solutions Fondées sur la Nature dans l’objectif de mettre la nature et ses propriétés au cœur de la réflexion autour du développement des techniques et des attentes humaines. L’idée majeure est que les sociétés humaines sont incluses dans la nature et dans les écosystèmes et dépendent des dynamiques et d’états naturels. Il devient alors plus écologique, plus simple et plus durable de construire les projets sur la base de ce constat (Couvet et Ducarme, 2018).

L’UICN définit alors les solutions fondées sur la nature comme les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité. Ces solutions doivent répondre au minimum à trois exigences afin d’être considérées comme telles : contribuer de façon directe à un défi de société identifié, autre que celui de la conservation de la biodiversité, s’appuyer sur les écosystèmes et présenter des bénéfices pour la biodiversité.

La Commission Européenne a pris position concernant ces méthodes et témoigne de l’ambition de mener une politique de recherches et d’innovations afin de parvenir à une société plus résiliente et durable. Elle définit alors elle-même ces solutions comme « inspirées et soutenues par la nature, rentables, fournissant simultanément des avantages environnementaux, sociaux et économiques et contribuant à renforcer la résilience. Ces solutions apportent davantage de nature et de caractéristiques et processus naturels, et plus diversifiés, dans les villes, les paysages et les écosystèmes marins, par le biais d'interventions systémiques, efficaces en termes de ressources et adaptées aux conditions locales ».

Ces méthodes peuvent regrouper plusieurs types d’actions mobilisées seules ou conjointement :
- La préservation d’écosystèmes fonctionnels et en bon état écologique ;
- L’amélioration de la gestion d’écosystèmes pour une utilisation durable par les activités humaines ;
- La restauration d’écosystèmes dégradés ou la création d’écosystèmes (INRAE).

Une application prometteuse et nécessaire dans l’aménagement du territoire

  • Le cadre réglementaire et les déclinaisons possibles en France

En France, au niveau national, le nouveau Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC 2) et le nouveau Plan Biodiversité (2018) promeuvent l’utilisation des Solutions fondées sur la Nature.

Les SFN se déclinent en majorité sur la préservation et la restauration de milieux (restauration de tourbières dans le Jura, ouverture de forêts et pastoralisme dans le Parc naturel régional des Alpilles, protection de forêts en libre évolution dans la région Rhône-Alpes) associées à la gestion des risques naturels (préservation de prairies inondables de fauche en vallée de l’Oise, préservation de dunes face à l’érosion sur le littoral aquitain).

Si ces actions ont leur place dans les milieux plus naturels, elles sont aussi appropriées en milieu urbain. Ces derniers sont en effet les milieux de vie de nombre d’espèces faunistiques, notamment aviaires, et floristiques, mais sont aussi des espaces menaçant pour la survie des espèces qu’elles abritent, notamment du fait de l’imperméabilisation des sols, des nuisances sonores et visuelles (espèces nocturnes) ou encore l’élimination d’habitats naturels uniques entraînant une baisse de diversité spécifique (Arnoult, 2011), pour ne citer que ces facteurs. Les espaces urbains sont également en première ligne concernant les effets du changement climatique actuels et à venir sur la santé humaine étant donné qu’ils concentrent la pollution atmosphérique et des sols et qu’ils sont davantage exposés à des événements climatiques extrêmes (telles les vagues de chaleur) du fait de leur composition.

En France, plusieurs dispositifs, notamment accompagnés par le Cerema, permettent d’engager ce type de solutions de manière directe ou indirecte. Ainsi, les démarches Territoires Engagés pour la Nature et Capitale Française de la Biodiversité ont vocation à mettre en place des objectifs d’engagements territoriaux en faveur de la biodiversité, au sein desquels les SFN sont des leviers d’actions possibles. Les Contrats de Transition Ecologique sont également des cadres favorables au développement de ces solutions, du fait de leur vocation à orienter la transition écologique et le développement économique des territoires.
Un autre exemple concret est celui des cours Oasis, un dispositif qui existe depuis 2017 et qui vise à faire des cours d’école des espaces de résilience et dont les aménagements permettent de lutter contre le phénomène d’îlot de chaleur urbain. Les possibilités d’intervention sont multiples, de la désimperméabilisation des sols au développement d’un couvert arboré en passant par la mise en place de jardins pédagogiques. Ces cours d’école ont donc un objectif d’accueil de la biodiversité en se faisant des milieux favorables à son développement, mais pas seulement ! En devenant de véritables havres de fraîcheur, les Cours d’Ecole Oasis ont aussi pour objectif de s’ouvrir hors des heures et périodes scolaires, particulièrement en été et pour les personnes fragiles.

  • Des applications efficaces en milieu urbain : de la recherche au projet

Les possibilités d’intervention en ville sont donc multiples. L’avenir des SFN se montre d’ailleurs prometteur au regard des programmes de recherche lancés sur le sujet. Le Cerema mène notamment plusieurs sujets impliquant le développement des Solutions Fondées sur la Nature en milieu urbain. Parmi ces derniers, on peut citer :
- Life Adsorb, un projet partenarial mené à Paris qui travaille sur les systèmes de dépollution performants pour les eaux de ruissellement et préservant la biodiversité ;
- Nature4Cities, une plateforme en ligne proposant des outils pour mettre en œuvre des solutions d’aménagement de la ville fondées sur la nature ;
- SESAME (Services EcoSystémiques rendus par les Arbres, Modulés selon l’Espèce), un outil d’aide à la décision afin de choisir les espèces d’arbres et d’arbustes à planter en ville en fonction des services rendus par ces derniers ;
- ECOPS vise à évaluer la capacité d’évapotranspiration des petites surfaces végétalisées afin de connaître leur impact sur le ruissellement des eaux de pluie ou le phénomène d’îlot de chaleur urbain.

De manière générale, nombre d’actions opérationnelles constituent des solutions fondées sur la nature et sont donc à favoriser dans le cadre d’un projet urbain pour leurs vertus aussi bien sociales qu’environnementales. Pour rejoindre la logique des cours Oasis, ces solutions consistent à végétaliser les villes afin de contribuer à réduire le phénomène d’îlot de chaleur urbain. Toujours dans cet objectif de réduction de l’îlot de chaleur urbain, associé à une volonté de favoriser un milieu propice à l’épanouissement de la biodiversité, l’aménagement de noues et bassins permettant de recueillir l’eau de pluie sont encouragés, de même que la plantation de haies et d’arbres, nécessaires aussi bien par leur capacité à l’évapotranspiration et à maintenir les continuités écologiques. La plantation de strates végétales en pleine terre permet également de limiter l’érosion des sols. Certaines solutions sont aussi favorables à la faune urbaine, tels que le contrôle de l’éclairage urbain dans l’idée de développer une trame noire, qui contribue au déplacement d’animaux nocturnes telles que les chauves-souris, les pipistrelles ou encore la chouette hulotte. Il est aussi vivement recommandé de la création de passages dans les clôtures et espaces fermés, notamment pour des espèces menacées et dont l’aire de répartition est importante, comme les hérissons.
De manière générale, tenir compte des sols vivants, soigner une palette végétale en choisissant des espèces variées et locales ou encore aménager des infrastructures favorables au déplacement des animaux sont des stratégies qui contribuent à adapter les mondes urbains aussi bien que les espèces et essences d’être résilients face aux conséquences du changement climatique.

 

Quelques exemples opérationnels concrets

 Bosco Verticale. Milan. Italie 191x213 Milan, Italie

Situé dans un quartier d’affaires et résidentiel, le Bosco Verticale ou « forêt verticale » se compose de deux tours résidentielles et 80 et 112 mètres de haut, enveloppées d’une végétation dense. Les avantages pour la biodiversité sont multiples, au regard des 15 000 plantes vivaces, 800 arbres plantés et 5 000 arbustes semés, mais aussi pour les individus, les bâtiments atteignant -7,5% d’énergie consommée par an, -30% de pollution aux particules fines et -3°C en été. Ce projet a donc des effets de lutte contre les vagues de chaleur et l’îlot de chaleur urbain. De ce projet, on retire une faisabilité juridique aisée, la nécessité de solides connaissances pour choisir les meilleurs écosystèmes à planter et assurer le suivi et l’entretien des essences et la possibilité de dupliquer ce modèle à une plus grande échelle.

  Quartier Augustenborg. Malmö. SuèdeMalmö, Suède

Le quartier Augustenborg porte depuis 1998 un programme visant à la création d’un lieu soutenable porté par une communauté engagée. Le projet a notamment permis la création d’un jardin botanique sur toiture, la collecte et biorétention des eaux de pluie et des mesures de préservation des insectes pollinisateurs. La démarche a permis une augmentation de 50% de la biodiversité sur le quartier, notamment grâce aux 11 000m² de toit vert créés. 90% des eaux pluviales sont dirigées vers un réseau ouvert d’eaux pluviales, le quartier connaît -30% de chômage et le site est devenu plus résilient face aux tempêtes, inondations et vagues de chaleur. De nombreux soutiens financiers, notamment de l’UE, ont permis la mise en œuvre du projet et la communication active avec la communauté a permis d’assurer l’engagement de cette dernière en matière de compostage, cultures alimentaires locales et coopération de manière générale.

 

Bourg de bullyBully, France

Dans une logique de réflexion globale sur l’assainissement du bourg de Bully, la collectivité et le SIABA mettent en place un système de gestion des eaux pluviales innovant, intégré au paysage et apportant une plus-value écologique. Trois bassins de rétention en cascade à ciel ouvert ont été créés. Ils se remplissent par temps de pluie parallèlement à une noue végétalisée toujours en eau. Un bassin de sédimentation a aussi été réalisé en amont pour piéger les matières en suspension. En plus de permettre une maîtrise des eaux pluviales, aussi bien quantitativement que qualitativement, cet ouvrage valorise le potentiel écologique d’une parcelle située en tête de bassin versant et fait office de zone tampon en cas d’inondations. Le gain financier est significatif comparativement à un bassin d’orage en béton. La commune s’est également engagée à mettre en place un suivi faune-flore sur le site.

 

5 principes clé pour les SFN

 

Bibliographie:

Arnould Paul, Le Lay Yves-François, Dodane Clément et al. « La nature en ville : l'improbable biodiversité », Géographie, économie, société, 2011/1 (Vol. 13), p. 45-68. URL : https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2011-1-page-45.htm

Couvet Denis & Ducarme Frédéric. Des solutions fondées sur la nature... et sur les citoyens ?, 2018. URL : https://www.researchgate.net/publication/343917213_Des_solutions_fondees_sur_la_nature_et_sur_les_citoyens

UICN Comité français. Les Solutions fondées sur la Nature pour les risques liés à l’eau en France, 2019, Paris, France. URL : https://uicn.fr/wp-content/uploads/2020/01/sfn-light-ok.pdf

WWF France. Des solutions fondées sur la nature en milieu urbain. Les villes montrent la voie 2021, 2021. URL : https://wwfint.awsassets.panda.org/downloads/exe_wwf_a4_template_sbn_final_fr.pdf

 

 

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