mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. - Twitter : @LesEnR - Linkedin : @Vizea

Vizea

Accueil > Actualité > Actualités > Numérique et changement climatique : le Sénat met les pieds dans le plat

Numérique et changement climatique : le Sénat met les pieds dans le plat

Publié le 24 juin 2020, le rapport du Sénat met le doigt sur l’impact caché du numérique sur le changement climatique. Déjà signifiante aujourd’hui (avec 3,7 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde en 2018 et 4,2 % de la consommation mondiale d’énergie primaire), sa forte croissance combinée à la non prise en compte par les politiques publiques de cet « pollution impensée » pourrait encore augmenter sa part dans l’émission de GES pourrait augmenter significativement dans les années à venir.

Pour le président de la mission Patrick Chaize, "le numérique permet des gains environnementaux mais nous devons faire en sorte qu’ils ne soient pas annulés par ses impacts en matière d’émissions de gaz à effet de serre, d’utilisation des ressources abiotiques, de consommation d’énergie ou encore d’utilisation d’eau douce".  C’est l’objectif de ces propositions, qui correspondent selon lui "à une attente citoyenne forte, comme le montrent les propositions de la Convention citoyenne pour le climat".

A l'heure où le développement durable des territoires et des bâtiments s'appuie de plus en plus sur les innovations liées au numérique, ce rapport permet d'intégrer plus finement son impact sur les ressources naturelles et le changement climatique pour le mettre en regard, le cas échéant, des opportunités offertes.

La France, un bilan plombé par les terminaux

D’après les études diligentées par le Sénat, le numérique en France représente l’équivalent de 15 millions de tonnes CO2, (soit 2 % du total des émissions en 2019), qui pourrait s’accroître considérablement dans les années à venir si rien n’était fait pour en réduire l’impact (+ 60 % d’ici 2040, soit 24 MtCO2eq).

En 2040, si tous les autres secteurs réalisent des économies de carbone conformément aux engagements de l’Accord de Paris et si aucune politique publique de sobriété numérique n’est déployée, le numérique pourrait atteindre 6,7 %des émissions de gaz à effet de serre de la France.

Dans le monde, la pollution numérique se répartit à 44 % pour la fabrication des terminaux, des centres informatiques et des réseaux tandis que 56 % est liée à son utilisation.

En France, la répartition est bien différente avec 81% des impacts environnementaux du numérique sont liés aux Terminaux. Cet impact environnemental concerne également les ressources minérales et l’eau. La croissance du numérique se traduit en effet par l’utilisation d’une quantité croissante de métaux, encore aujourd’hui très peu recyclés (34 des 60 métaux utilisés sont recyclés à moins d’1%).

La fabrication et la distribution (la « phase amont ») de ces terminaux utilisés en France engendrent 86 % de leurs émissions totales et sont donc responsables de 70 % de l’empreinte carbone totale du numérique en France.

Des solutions environnementales en faveur d’une souveraineté économique pour la France

Le rapport souligne donc que la réduction de l’empreinte carbone du numérique en France devra particulièrement passer par une limitation du renouvellement des terminaux ( alors que la durée de vie d’un smartphone est aujourd’hui de 23 mois).

Il s’agit là d’un impératif environnemental mais aussi économique: en passant du tout-jetable – alimenté par des imports qui grèvent la balance commerciale du pays – à un modèle circulaire– s’appuyant sur un écosystème industriel capable de proposer des

terminaux reconditionnés et d’offrir des solutions de réparation favorisant la création d’emplois non délocalisables, et implantés dans les territoires. La relocalisation des activités contribuera à réduire le bilan carbone du numérique français, dont 80 % des émissions sont produites à l’étranger.

Les propositions de la commission

Face à ce constat, la commission définit une feuille de route comprenant 4 axes et 25 mesures.

Axe 1 : Faire prendre conscience aux utilisateurs du numérique de son impact environnemental

En améliorant la connaissance sur un sujet encore trop peu documenté et trop méconnu du grand public :

  • 1. Lancer une grande campagne de sensibilisation incitant les utilisateurs à adopter les gestes numériques éco-responsables;
  • 2. Mieux informer les utilisateurs de l’empreinte carbone de leurs terminaux et usages numériques par la mise en place d’une application mobile ;
  • 3. Mettre à disposition du public une base de données permettant de calculer simplement les impacts environnementaux du numérique ;
  • 4. Former les nouvelles générations à un numérique sobre
  • 5. Créer un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique

En demandant aux acteurs publics et privés d’intégrer l’enjeu environnemental dans leur stratégie numérique :

  • 6. Inscrire l’impact environnemental du numérique dans le bilan RSE des entreprises et créer un crédit d’impôt pour les PME et TPE pour la réalisation de mesures d’impact environnemental des services numériques ;
  • 7. Mettre à disposition des collectivités territoriales un cadre méthodologique d’évaluation environnementale des projets smart.

Axe 2 : Limiter le renouvellement des terminaux, dont la fabrication et la distribution représentent 70 % de l’empreinte carbone du numérique en France

En taxant les externalités négatives liées à leur fabrication :

  • 8. Introduire une taxe carbone aux frontières européennes pour internaliser le coût environnemental des terminaux importés.

En luttant contre l’obsolescence programmée et l’obsolescence logicielle :

  • 9. Renforcer les sanctions pour obsolescence programmée ;
  • 10. Renforcer la lutte contre l’obsolescence logicielle

En favorisant le réemploi et la réparation :

  • 11. Renforcer l’ambition en matière de réparation et de réemploi par un taux de TVA réduit sur la réparation de terminaux et l’acquisition d’objets électroniques reconditionnés et l’inscription d’objectifs ambitieux dans le cahier des charges des éco-organismes ;
  • 12. Activer le levier de la commande publique pour contribuer à renforcer les marchés de réemploi et de réparation;
  • 13. Conditionner les aides à la numérisation des entreprises dans le cadre du plan de relance à l’intégration d’une ambition environnementale,

Axe 3 : Faire émerger et développer des usages du numérique écologiquement vertueux

En définissant les données comme une ressource nécessitant une gestion durable :

  • 14. Prévoir une consécration législative de la donnée comme une ressource nécessitant une gestion durable par exemple en régulant l’offre des forfaits téléphoniques;
  • 15. Interdire à titre préventif les forfaits mobiles avec un accès aux données illimitées et rendre obligatoire une tarification proportionnelle au volume de données du forfait. En limitant l’impact des usages vidéo :
  • 16. Encadrer le streaming vidéo, qui représente 60 % du trafic Internet mondial.

En améliorant l’écoconception des sites et services numériques :

  • 17. Accompagner, à court terme, les administrations dans l’écoconception des sites et services numériques ;
  • 18. Rendre obligatoire, à moyen terme, l’écoconception des sites publics et des plus grands sites privés.

En permettant une « régulation de l’attention » :

  • 19. Prévoir une obligation de reporting des fournisseurs de contenus sur les stratégies cognitives utilisées pour accroître les usages ;
  • 20. Interdire certaines pratiques comme le lancement automatique des vidéos et le scroll infini

Axe 4 : Aller vers des data centers et des réseaux moins énergivores

En améliorant la performance énergétique des data centers, responsables de 14 % de l’empreinte carbone du numérique en France :

  • 21. Inciter à l’installation de data centers en France et conditionner l’avantage fiscal existant à des critères de performance environnementale ;
  • 22. Renforcer la complémentarité entre data centers et énergies renouvelables.

En améliorant plus encore la sobriété des réseaux, responsables de 5 % de l’empreinte carbone du numérique en France :

  • 23. Atteindre les objectifs du plan France très haut débit pour améliorer la connectivité fibre, réseau le moins énergivore ;
  • 24. Engager une réflexion pour réduire la consommation électrique des box ;
  • 25. Évaluer l’empreinte environnementale de la 5G

La balle est dans le camp du gouvernement

La feuille de route sera transmise au Gouvernement. "Nous souhaitons contribuer à porter une ambition forte sur ce sujet, notamment dans le cadre des futures négociations relatives au Pacte vert pour l’Europe ; et nous déposerons une proposition de loi", a indiqué le président de la commission Hervé Maurey.

Retrouvez le rapport complet

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn