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Rapport du GIEC, plus que 3 ans pour agir ?

En début de mois a été publiée la dernière partie du sixième rapport d’évaluation du GIEC sur les changements climatiques. Après les volets des deux premiers groupes de travail - qui concernaient les fondements physiques du réchauffement climatique pour l’un, et son impact sur l’humanité pour l’autre – celui-ci traite de l’atténuation des changements climatiques. La connaissance de ces rapports est cruciale pour une prise de décision éclairée sur la direction dans laquelle nous souhaitons diriger notre société.

 

Etat des lieux de la situation actuelle

Le groupe de travail rappelle que si, entre 2010 et 2019, les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont continué d’augmenter jusqu’à un niveau jamais atteint, elles augmentent moins vite que durant les 10 années précédentes.

En effet, les émissions totales de GES d’origine anthropique ont augmenté en moyenne de 2,1% par an entre 2000 et 2009, contre 1,3% par an pour la décennie suivante, comme présentées sur la figure 1. Ceci s’explique par la démocratisation (et la baisse des coûts unitaires associés) des technologies bas carbone, et notamment le solaire, l’éolien et les batteries lithium-ion.

 

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Figure 1 : Emissions de GES entre 1990 et 2019

 

Cependant, le rapport défini comme « probable » notre incapacité à limiter le réchauffement climatique sous 1,5°C en 2100¹. Concrètement, les émissions de GES doivent atteindre leur pic en 2025 dans les scénarios qui limitent le réchauffement à 1,5°C. C’est-à-dire qu’il faut que d’ici 3 ans, nous soyons en mesure d’inverser la tendance de nos courbes d’émissions, ce qui n’a jamais été réalisé depuis le début de l’ère industrielle. De la même manière, pour limiter l’augmentation sous les 2°C, le GIEC estime que des efforts importants avant 2030 et des actions avec mise en place immédiate sont nécessaires. Sans nouvelles mesures, le réchauffement prévu est de 3,2°C.

Des efforts importants doivent donc être mis en place par tous les acteurs (gouvernements, entreprises, individus, etc.) pour atteindre la neutralité carbone². Afin de rester sous 1,5°C, il faut atteindre la neutralité carbone, à l’échelle mondiale, en 2050, contre 2070 pour les scénarios qui prennent en compte une augmentation de 2°C.

En réalité, le « 0 émissions nettes de GES » n’est pas l’objectif final, puisqu’il sera même nécessaire de parvenir à des émissions nettes négatives avant 2100, pour compenser le trop-plein de début de siècle. Plus la quantité de GES émise avant la neutralité est importante, plus il sera nécessaire d’avoir des émissions nettes négatives en 2100, comme présenté en figure 2.

Notons ici que les scenarios prévoyant un réchauffement sous 2°C sont les scénarios vert, bleu et violet, et que le scénario rouge correspond à l’évolution du climat si tous les accords actuels sont respectés.

 

 

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Figure 2 : Emissions de CO2 prévues selon les scénarios

 

L’atténuation du réchauffement climatique, un business rentable ?

Si ces objectifs peuvent paraître pour le moment hors d’atteinte, le GIEC ne tire pas de conclusion défaitiste. En effet, ils estiment que le coût des technologies et des mesures de limitation du réchauffement climatique est inférieur au coût qui serait induit par la nécessité de s’adapter aux changements d’un réchauffement de 2°C. Concrètement, cela signifie qu’à l’échelle globale, il est rentable économiquement de lutter contre le dépassement des 2°C, qui est le seuil fixé par les Accords de Paris en 2015. Par conséquent, des actions pourront être menées, à bien plus grande échelle que lorsqu’il s’agissait de mesures économiquement coûteuses « simplement » bonnes pour l’environnement, à condition que les différents acteurs (états, entreprises et individus) prennent conscience des coûts qu’impliquent l’inaction, et le prennent en compte dans leurs décisions.

Le bémol possible se situe dans le fait que cette rentabilité économique soit définie « à l’échelle globale ». En effet, les territoires qui ont le plus de moyens d’investissement (et qui sont donc appelés par le GIEC à faire preuve de solidarité) ne sont pas forcément ceux qui sont le plus vulnérables aux effets à court terme du réchauffement climatique. Ainsi, la balance coût des actions / coût évité de l’adaptation au réchauffement n’est plus aussi rentable pour des territoires plus développés, comme l’Europe ou les Etats-Unis (qui sont pourtant historiquement responsable d’une partie plus importante du réchauffement climatique).

Une bonne nouvelle quand même : la rentabilité économique de certaines actions ne dépend pas du territoire dans lequel elles sont mises en place. En effet, plusieurs mesures sont estimées comme étant des sources potentielles d’économies, non seulement en GES mais aussi en termes financiers. C’est le cas par exemple pour l’énergie solaire, l’éolien ou encore la plupart des mesures préconisées pour le secteur des transports, comme illustré sur la figure 3.

 

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Figure 3 : Evolution du prix (en bleu) et de la puissance installée (en jaune) de différentes technologies (photovoltaïque, éoliennes on-shore et off-shore, batteries pour véhicules électriques)

 

Le potentiel d’actions 

Devant le constat que l’inaction d’aujourd’hui aurait des conséquences désastreuses sur le monde de demain, il est nécessaire de se demander quels sont les leviers d’actions possibles.

Plusieurs secteurs sont clés dans la diminution des émissions de GES :

  • Le secteur de l’énergie :  Pictogramme1.jpg

« La réduction des émissions liées au secteur de l’énergie passe nécessairement par la réduction de l’usage des combustibles fossiles et l’amélioration de l’efficacité des autres modes de production et de stockage », estime le GIEC. La décarbonation de l’énergie passe donc principalement par son électrification, notamment grâce aux énergies solaire et éolienne, qui sont les deux principaux secteurs où réaliser des économies. En effet, le potentiel de réduction des émissions de ces deux domaines est de plus de 8 milliards de tonnes CO2e par an ! Il est à noter que les technologies de captation de carbone sont présentes pour la première fois dans un rapport du GIEC, bien que leur potentiel soit encore limité et leur coût élevé.

  • Le secteur de l'agriculture et des forêts:  Pictogramme2.jpg

Les surfaces végétalisées dans leur ensemble sont l’un des principaux puits de carbone, il n’est donc pas surprenant que ce secteur ait un rôle à jouer important dans la réduction des émissions. En effet, l’arrêt de l’urbanisation des sols et au contraire la reforestation et la restauration des écosystèmes, permettrait de réduire les émissions de près de 7 milliards de tonnes de CO2e. Il est à noter que ces mesures sont relativement coûteuses.

 

  • Le secteur du bâtiment:   Pictogramme3.jpg

Le GIEC estime possible la neutralité carbone à l’horizon 2050 pour le secteur du bâtiment, à condition de mettre en place les politiques pour. Dans les pays développés, cela passe principalement par la rénovation des bâtiments déjà existants, tandis que dans les pays en développement, cela implique une construction à plus faible demande en énergie et en matériaux, qui aboutisse à un produit qui soit lui aussi peu demandeur en énergie. Au total, l’émission de 8,2 milliards de tonnes de CO2 peut être évitée, avec des politiques de construction ambitieuses.

 

  • Le secteur du transport:  Pictogramme4.jpg

 

Dans ce domaine, la demande est un facteur important pour les émissions de CO2, et la sobriété doit donc être un levier important pour leur réduction. Cette sobriété doit être couplée à une transition vers des modes de transports plus efficient énergétiquement (véhicules électriques, biocarburants, hydrogène, …) et vers la mobilité douce (piétonisation, usage du vélo, …).

Il est à noter que l’action sur laquelle est faite le plus de communication quand on parle de réduction des émissions de CO2 dans le domaine des transports est la transition du parc de voitures vers l’électrique. Or, son potentiel d’économies carbone est seulement dans la moyenne basse des préconisations évaluées, d’autant plus qu’elle est l’une des seules dont le GIEC n’a pas réussi à faire l’évaluation économique.

 

  • Le secteur de l'industrie:  Pictogramme5.jpg

Réussir à atteindre la neutralité carbone dans le domaine de l’industrie sera un défi difficile, mais possible, à condition de mener des actions ambitieuses : réduction de la demande, amélioration de l’efficacité en termes d’énergie et de matériaux, économie circulaire, innovation dans les process, etc. Il ne sera pas possible de réduire suffisamment les émissions sans utiliser une électricité et des carburants non ou peu émetteurs de GES, comme des biocarburants.

 

Conclusion

Il semble peu probable que la tendance de la courbe d’émissions de GES s’inverse d’ici à 2025 et que nous éviterons un réchauffement supérieur à 1,5°C. Cependant, l’étape suivante n’est pas de rester sous 2°C, mais sous 1,51°C, ou même 1,501°C. Chaque fraction de degré compte, chaque gramme de CO2 qui est émis a des conséquences, déjà aujourd’hui. Alors il est important de ne pas se restreindre à des objectifs chiffrés, mais de toujours faire le maximum pour réduire ses émissions.

Le rapport du GIEC nous confirme que la situation est urgente, et que nos actions des prochaines années vont être déterminantes pour le futur. Pour autant, comme illustré figure 4, le scénario dans lequel nous allons nous diriger, bien que totalement différents dans les actions que nous devrons mettre en place, n’est pas réellement discriminant avant au moins 10 ans. Ce qui veut dire que nos actions n’auront pas de conséquences visibles avant une décennie, malgré les efforts qu’elles pourraient nous coûter. Nous le savons, et il sera important de s’en souvenir, pour ne pas penser que nos efforts sont vains, et poursuivre dans la même direction.

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Figure 4 : Evolution de la température en fonction des scénarios

 

 

 

¹  ici et par la suite, il sera implicite qu’une augmentation de 1,5°C signifie une augmentation de la température moyenne au sol en 2100 par rapport à la température préindustrielle, c’est à dire la moyenne sur la période 1850-1900

² La neutralité carbone correspond à l’équilibre entre les émissions réelles de GES d’origine anthropique et leur retrait de l’atmosphère grâce à l’action humaine, par exemple à la reforestation. De la même manière, des émissions nettes négatives correspondent à des émissions réelles inférieures au retrait de carbone.

SOURCES

- https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/

 

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