Le bonus-malus sur la facture d’énergie, explications et critiques

L’assemblée nationale a adopté, dans la nuit de jeudi à vendredi, la proposition de loi visant à créer un système de bonus-malus sur la facture d’énergie des consommateurs et à étendre les tarifs sociaux. Ce projet, initialement appelé « tarification progressive », sera ensuite débattu par les sénateurs à compter de mi-octobre pour une mise en application fin 2013-début 2014. Les principaux leviers et critiques de ce texte sont résumés ci-dessous.

Un « volume de base » d’énergie attribué par foyer
Un volume de base sera attribué chaque année aux foyers par les services du ministère de l’écologie et de l’énergie. Cette quantité d’énergie correspond en fait aux « besoins essentiels des ménages » qui seront ensuite modulés selon plusieurs critères :
  • Le nombre de personnes résidant dans le foyer,
  • Le mode de chauffage et de production d’ECS dans le logement (électricité, gaz…),
  • La zone climatique du logement.

Pour rappel, la réglementation thermique définit 8 zones en France métropolitaines en fonction des températures en période hivernale (H1, H2 et H3) et des températures en périodes estivales (a, b, c et d). A chacune de ces zones sera appliqué un « coefficient de rigueur », fonction des normes de construction des bâtiments pour évaluer leur niveau d’isolation et du tarif de l’énergie à partir de 2014.

Toutes ces informations seront ensuite collectées par les services fiscaux à travers les déclarations d’impôt sur le revenu et envoyées aux fournisseurs d’énergie afin qu’ils appliquent les volumes de base calculés spécifiquement pour les 36 millions de foyer fiscaux français. Les foyers ayant consommé moins que le volume de base qui leur était attribué pourront ainsi bénéficier d’un bonus pouvant atteindre jusqu’à 20 euros par MWh en 2014 et 30 euros par MWh à partir de 2015. Au contraire, les foyers qui auront consommé plus que leur volume de base seront pénalisés par un malus dont le montant est fixé par le taux de dépassement. Le tableau ci-dessous récapitule les valeurs des bonus-malus sur les tarifs de l’énergie

 
 Bonus-malus sur les tarifs de l'énergie en €/MWh (source : Assemblée nationale)
 
Une partie du malus pourra également être déduite du loyer en fonction de la performance énergétique du logement dans le but d’inciter les propriétaires à effectuer des travaux de rénovation thermique. Le locataire n’est donc pas le seul responsable de sa consommation énergétique. Si le logement est considéré comme une « passoire énergétique », le locataire aura des difficultés à respecter le volume de base qui lui a été attribué, mais le malus sera réparti entre le locataire et le propriétaire.

L’extension des tarifs sociaux de l’énergie
Il apparait évident, au vue des seules explications précédentes, que ce projet de loi entrainera des inégalités importantes. Il encourage en effet à effectuer des travaux nécessaires pour une meilleure isolation des logements et une réduction des consommations mais les coûts que représentent ces travaux sont bien souvent trop importants pour les foyers modestes qui devront alors souffrir des malus.

Un élargissement du programme d’accompagnement « tarif de première nécessité » (TPN) est donc prévu pour éviter ces inégalités. En effet, le TPN dont bénéficient actuellement 600 000 ménages environ concernera alors près de 4 millions de foyers. Cette tarification spéciale permettra à ces foyers les plus modestes de réduire leur facture de 40% à 60%.

D’autre part, les foyers bénéficiant du TPN seront soumis à un système de bonus-malus différent qui a pour objectif de récompenser encore d’avantage les économes et d’être moins sévère pour les malus. Le détail de ces bonus-malus pour les foyers bénéficiant du TPN est décrit dans le tableau suivant :

Bonus-malus en €/MWh des foyers bénéficiant des tarifs de première nécessité (TPN)

Les personnes âgées et handicapées prises en compte
En commission, les députés ont ajouté un critère d’âge considérant que les personnes âgées devaient davantage se chauffer ainsi qu’un deuxième critère qui prend en compte les appareils spécifiques comme les appareils respiratoires, les fauteuils roulants… Néanmoins, l’âge limite permettant de privilégier d’un volume de base plus généreux n’a pas encore été déterminé. Idem pour les personnes handicapées pour qui la liste des « équipements spécifiques » ouvrant droit à un quota plus large n’a pas encore été définie.

Les énergies renouvelables favorisées
Les foyers ayant recours aux énergies renouvelables pour se chauffer ou pour leur production d’eau chaude sanitaires se verront attribuer le même volume de base que les autres foyers ce qui leur permettra de bénéficier du bonus beaucoup plus facilement.

Les principales critiques du projet
Plusieurs critiques ont cependant été émises concernant ce projet de bonus-malus :
  • Les résidences secondaires ont été exclues du système. Ces dernières étant peu habitées, elles risquaient de déclencher le bonus systématiquement. Les heureux propriétaires de résidences secondaires pourront donc bénéficier d’une climatisation tout l’été s’ils le désirent sans pour autant être sanctionné par un malus.
  • Toutes les sources d’énergies ne sont pas encore prises en compte. C’est le cas du fioul et du GPL par exemple puisque qu’il n’existe pas d’entreprise de référence comme Edf, mais une multitude de fournisseurs pour ces combustibles.
  • Les logements chauffés collectivement et sans systèmes de comptage individuels sont difficiles à prendre en compte. Il est prévu que ce soit le titulaire du contrat de chauffage (propriétaire ou copropriétaires) qui répartisse le bonus ou le malus aux occupants de l’immeuble. Le fonctionnement de cette distribution reste cependant encore très obscur.
  • Les étudiants locataires et rattachés au foyer fiscal de leur parents, ne réalisant aucune déclaration d’impôt sur le revenu, ne pourront ainsi pas déclarer le mode de chauffage de leur logement ni sa composition (surface, localisation…). Ils bénéficieront du volume de base calculé à partir de la déclaration fiscale auquel ils sont rattachés d’où un calcul forcément imparfait.
  • La réduction des « avantages » tarifaires sur l’énergie consommée par les salariés d’EDF et GDF, réclamé par l’UMP au nom de l’équité, a finalement été rejetée.
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